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Histoires

Pour le mois de l’Histoire des femmes, penchons-nous sur deux exemples de femmes fortes qui ont côtoyé de près les jésuites et ont été parties prenantes au succès de leur mission. Ces deux femmes, Jeanne d’Autriche et Marie de l’Incarnation, ont vécu aux XVIe et XVIIe siècles. Pieuses, sous la direction spirituelle de jésuites entre autres, elles ont tout mis en œuvre pour réaliser leur vision. Ces deux femmes ont été rejoindre les gens, elles faisaient partie de la communauté où elles se trouvaient, malgré leurs voyages, et ne s’en sont pas laissées imposer. Jeanne d’Autriche, régente d’Espagne pendant de nombreuses années, a réussi à devenir jésuite, à fonder un couvent et à soutenir par l’influence de son rang la Compagnie de Jésus dans ses débuts. Marie de l’Incarnation a pour sa part réussi un autre projet impossible: quitter sa clôture en France pour fonder le premier couvent de Nouvelle-France. Elle fut au cœur de la société et de l’Église de la colonie.

Jeanne d’Autriche: la seule femme jésuite

La Compagnie de Jésus est un ordre religieux strictement masculin. Il y a eu dans les débuts quelques femmes admises, mais elles avaient été déliées de leurs vœux en 1547 par Ignace de Loyola. Ce dernier a ensuite obtenu du pape que les jésuites n’aient pas à créer une branche féminine de leur ordre. Toutefois, une femme, une seule, aurait réussi à devenir jésuite(sse), quoiqu’en secret.

Jeanne d’Autriche, fille de Charles Quint et d’Isabelle de Portugal est née en 1535 à la cour royale d’Espagne. Elle épousa le prince Jean Manuel du Portugal à 17 ans. Son mari mourut alors qu’elle était enceinte et elle réclama en vain par la suite la régence au nom de son fils. Jeanne dut plutôt se rendre à Castille pour en devenir régente en l’absence de son frère Philippe II, laissant son fils, prince héritier, au Portugal. Quand elle fut libérée de sa tâche de régente, elle voulut entrer dans un ordre religieux. Elle pensa alors aux franciscaines, mais surtout à la Compagnie de Jésus.

Jeanne d’Autriche était depuis longtemps en effet  en contact avec François de Borgia, SJ, qui avait organisé des journées de retraites spirituelles pour femmes et avait guidé Jeanne d’Autriche dans la pratique des Exercices spirituels. Mais les jésuites n’acceptaient pas de femmes dans leur ordre. Sûrement à cause de son rang et de son insistance, Jeanne d’Autriche aurait néanmoins réussi à prendre en 1554 des vœux comme scolastique sous un pseudonyme masculin: Mateo Sanchez. Elle dû garder ce secret, mais vécut une vie austère et eut un fort engagement apostolique. Elle a également soutenu activement la Compagnie de Jésus, la défendant contre ses détracteurs et lui permettant par son intervention de s’installer dans certaines villes d’Espagne. Elle fonda également un couvent royal, Las Descalzas Reales, où elle mourut en 1573.

Si elle fut la seule jésuite, la Compagnie de Jésus a toutefois inspiré plusieurs autres femmes. Par exemple, les religieuses Xavières, sous l’impulsion de leur fondatrice Claire Monestès, font partie d’une congrégation religieuse apostolique vivant de la spiritualité ignatienne dans leurs missions dans le monde. Elles aussi de spiritualité ignatienne, les sœurs de Saint-Joseph forment une Congrégation de vie consacrée dans le monde fondée par Jean-Pierre Médaille, SJ. Ce ne sont que deux exemples de congrégations où les femmes vivent pleinement la spiritualité ignatienne.

Marie de l’Incarnation: pionnière de Nouvelle-France

Née en 1599, Marie Guyart voulut entrer jeune en religion. Elle dut toutefois se marier, mais devint veuve à 20 ans. Elle travailla pour un temps dans l’entreprise  de sa sœur et son beau-frère, devenant rapidement gérante par intérim. Mais dans cette vie très active, Marie cherchait toujours à approfondir sa spiritualité. Près de 10 ans après être devenue veuve, elle entra chez les Ursulines de Tours sous le nom de Marie de l’Incarnation, laissant son fils Claude à sa sœur. C’est au couvent que se dessina sa vocation apostolique. En rêve, Dieu lui fit voir un paysage et lui signifia que «c’est le Canada que je t’ai fait voir; il faut que tu y ailles faire une maison à Jésus et à Marie.» Quand elle fit part de son projet, plusieurs personnes lui expliquèrent que c’était impossible.

[Ce projet est] opposé à la condition d’une Religieuse à qui la seule vue du monde doit faire peur, et qui à plus forte raison doit avoir d’autres sentiments que de quitter la clôture pour passer tant de provinces et tant de mers, afin de faire des fonctions apostoliques dans un pays sauvage, où il n’y avait pas même alors de l’assurance pour les hommes.

Comment une femme cloîtrée de France, sans fortune ni rang élevé, a-t-elle pu établir le premier couvent de Nouvelle-France? En défiant les traditions sociales et les lois de la clôture et en se faisant des contacts. D’abord, les Relations des jésuites la renseignèrent sur le Canada. Via un jésuite justement, le P. Poncet, elle rencontra ensuite Mme de la Peltrie qui souhaitait évangéliser les jeunes filles autochtones d’Amérique et qui devient la bailleuse de fonds du projet. Marie de l’Incarnation réussit également  à obtenir un terrain dans la colonie et à entrer en contact avec le supérieur des jésuites de Québec, le P. Le Jeune.

C’est ainsi qu’en 1639, Marie de l’Incarnation s’embarqua pour la Nouvelle-France, accompagnée entre autres du P. Poncet, de deux ursulines, trois hospitalières et de Mme de la Peltrie. Elle fonda à Québec le couvent des ursulines, dont elle dressa les constitutions avec les jésuites. Elle y fut d’une activité débordante, correspondant avec les religieux et laïcs (parents d’élèves, autorités locales, colons et Autochtones) via la grille du cloître. À l’intérieur des murs, les religieuses veillèrent à l’éducation de jeunes filles françaises et autochtones, sachant toutefois qu’essayer de franciser ces dernières n’était pas la direction à prendre.

Marie de l’Incarnation fut en contact étroit avec les jésuites dans la colonie, étant leur confidente et ayant comme directeurs spirituels les pères Le Jeune et Lalemant. Elle cita souvent les Relations dans ses nombreuses lettres et y fut elle-même citée en 1642. Comme les jésuites, elle s’employa à l’étude des langues autochtones, ce qu’elle l’indique dans une lettre à son fils datée de 1650.

Ces nouveaux habitants [les Wendats] nous obligent d’étudier la langue huronne, à laquelle je ne m’étais point encore appliquée, m’étant contentée de savoir seulement celle des Algonquins et Montagnais qui sont toujours avec nous. Vous rirez peut-être de ce qu’à l’âge de cinquante ans je commence à étudier une nouvelle langue; mais il faut tout entreprendre pour le service de Dieu et le salut du prochain. J’ai commencé cette étude huit jour après l’octave de la Toussaint, en laquelle le révérend père Bressani a été mon maître jusqu’à présent avec une entière charité.

Elle produisit des ouvrages pédagogiques en langue autochtone (dictionnaires et catéchismes), dont plusieurs passèrent ensuite dans les mains de missionnaires. D’autres ouvrages linguistiques furent toutefois brûlés dans l’incendie du couvent de 1650.

L’importance du couvent et de la religieuse pour la colonie se révéla lors de cet incendie. Les habitants et les Autochtones, craignant que le départ des ursulines ne soit la fin de la colonie, firent de leur mieux pour les aider à survivre en attendant la construction d’un nouveau bâtiment, où Marie mourut en 1672.

Jeanne d’Autriche et Marie de l’Incarnation sont donc des exemples forts de femmes proches de la Compagnie de Jésus qui ont choisi de suivre le Christ et ont travaillé à implanter la présence de l’Église dans leur communauté et au-delà. L’importance de Marie de l’Incarnation pour la Nouvelle-France a d’ailleurs été reconnue lors de sa béatification en 1980: à cette occasion, Jean Paul II la proclama Mère de l’Église au Canada.

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