Par Erik Oland, SJ
Nous traversons une époque très difficile. La pandémie est toujours là, au Canada nous sommes au milieu de la crise provoquée par la mise au jour de tombes d’enfants autochtones, en Haïti (qui fait partie de notre province jésuite) la situation s’est récemment aggravée… La liste des choses qui nous préoccupent en ce moment n’en finit plus. Une question émerge de cette situation : avons-nous envie de célébrer ? Que célébrons-nous aujourd’hui ? Heureusement, en tirant une leçon du passé, de nombreuses personnes s’étant retrouvées dans des situations bien pires que la nôtre ont su, avec l’aide de Dieu, faire preuve de résilience. Cette résilience a notamment inclus des rituels et des célébrations, des moyens de se réunir pour « partager les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses », pour reprendre la phrase d’introduction de l’un des documents centraux de Vatican II. Ou encore, en remontant beaucoup plus loin dans le temps, pensons aux Psaumes — lamentation, louange et action de grâce — qui ont été écrits pour accompagner les célébrations communes ! Si ces leçons de l’histoire ont été oubliées, alors nous avons également perdu le contact avec la foi, l’espérance et l’amour qui sont à la base de notre tradition judéo-chrétienne. Et donc, célébrons !
Célébrons l’anniversaire de la mort de saint Ignace de Loyola, qui, en tant que compagnon de Jésus, a fait preuve d’une remarquable résilience, d’une grande force d’âme, d’une confiance en Dieu et de la capacité de chercher et de trouver Dieu en toutes choses et dans toutes les situations, aussi difficiles et éprouvantes soient-elles !
Les jésuites ont commencé une « année ignatienne » en mai dernier, un anniversaire qui ne célèbre pas un moment léger, car il s’agit de la commémoration des 500 ans du début du cheminement de conversion d’Ignace Loyola, soldat et courtisan hispano-basque qui a subi une grave blessure et qui, au cours de sa longue convalescence, a appris à changer ses priorités, passant de « mes plans et mes succès » à « chercher à trouver les plans de Dieu pour lui ».
Grâce au discernement et à la prière, Ignace et ses premiers compagnons ont fondé un ordre religieux international qui, à son tour, a pris la bannière de la croix pour aider d’autres personnes à trouver un chemin vers Dieu par la prière et le discernement, tout en comprenant que la conversion peut être aussi bien un défi unique qu’un défi permanent dans le pèlerinage de la vie.
La conversion. Je me souviens d’un jésuite américain, Larry Gillick, qui nous donnait des conférences au noviciat et disait que « notre besoin de conversion est si grand que nous devons l’aimer ». Est-ce si exagéré de dire que « notre besoin de conversion est si grand que nous devrions le célébrer » ? En effet, lorsque nous célébrons, nous mettons quelque chose de l’avant et nous disons « regardez cela ». N’est-ce pas ce que nous faisons tout au long de l’année liturgique et dans la vie des sacrements ? Noël (qui met l’accent sur l’Enfant Jésus), le Vendredi saint (qui met l’accent sur la souffrance et la mort de Jésus), les baptêmes, les mariages, les funérailles. Cela dit, célébrer la conversion peut s’accompagner d’un sentiment de vulnérabilité, car nous ouvrir à la conversion nous fait sortir de nous-mêmes et met l’accent sur l’initiative de Dieu et nos résistances. L’exemple suprême en est le voyage de Jésus à travers le mystère pascal — de la mort à la vie nouvelle — et l’appel à ses disciples à l’imiter.
Deux phrases des lectures m’ont interpellé ces derniers jours alors que je méditais sur ce que je voulais partager avec vous aujourd’hui :
« Cette parole du Seigneur est tout près de vous, dans votre bouche et dans votre cœur, et vous pouvez la mettre en pratique » et « il y eut un grand calme ».
Au tout début, je n’ai pas bien saisi pourquoi ces phrases, parmi d’autres, me tenaient à cœur. Puis, je me suis rappelé ce que j’avais dit à d’autres personnes dans le contexte d’accompagnement spirituel récemment. En résumé, le conseil que j’ai donné aux autres et à moi-même, je l’espère, était le suivant : « Quand Dieu n’est pas au centre de tout ce que vous faites, si Dieu n’est pas au centre de tout ce que vous faites, vous n’avez pas la présence d’esprit nécessaire pour relever les défis auxquels le monde d’aujourd’hui est confronté ». J’ajoute à cela : lorsque vous vous trouvez face à quelque chose qui vous bouleverse, quelque chose qui vous semble mauvais ou injuste, et que vous voulez réagir de manière impulsive, demandez-vous alors que vous êtes aux prises avec votre réaction si Dieu est présent à ce moment ou bien si vous êtes présent à Dieu.
Sinon, avant de faire quoi que ce soit, prenez le temps nécessaire pour vous rappeler que Dieu est toujours au centre.
« Cette parole du Seigneur est tout près de vous, dans votre bouche et dans votre cœur, et vous pouvez la mettre en pratique » et « il y eut un grand calme ».
Nous sommes appelés à mettre en pratique la présence apaisante de Dieu à partir d’une connaissance profonde de Celui qui habite dans nos cœurs, surtout ces jours-ci au milieu des tempêtes qui nous entourent.
C’est le message que Jésus veut nous faire entendre alors que nous nous imaginons dans la barque avec lui, craignant pour notre vie ; avoir le courage de nos convictions… avoir foi dans la foi que nous possédons… oser affronter la tempête en sachant qu’avec Dieu, avec Jésus, affronter la tempête paradoxalement c’est la calmer en sachant profondément que nous ne sommes jamais seuls, quels que soient les épreuves ou les défis qui se présentent à nous.
Que la grâce de la conversion fasse partie de nos vies, de notre examen quotidien, afin que les tempêtes qui entraînent la peur soient vaincues et que nous puissions continuer à garder le rêve d’Ignace en vie dans nos cœurs de compagnons de mission.
Merci Jésus, merci Ignace, célébrons !