Le Vade-mecum du Synode sur la synodalité l’explique bien, « le synode est essentiellement un exercice de dialogue et d’écoute des personnes dans l’Église, tant ceux et celles qui sont dans la marge que ceux et celles qui ne disent pas faire partie de l’Église ou même qui se sentent exclus », de dire le père Kevin Kelly, SJ, directeur général du Centre de spiritualité ignatienne de Montréal.
Cet été, suite à l’appel aux consultations de la première étape du Synode sur la synodalité, qui s’est concentrée sur les églises locales, le Centre de spiritualité ignatienne de Montréal a accueilli un groupe de personnes LGBTQ+, leurs familles et leurs alliés, pour une série de conversations spirituelles sur leur expérience, leurs désirs et leurs espoirs dans l’Église catholique.
Ces conversations étaient importantes : dans les rapports-synthèses pour le synode, venus d’un peu partout au Canada, l’inclusion et l’accompagnement des personnes LGBTQ+ reviennent constamment. Le processus synodal se poursuit maintenant à l’échelle continentale.
« Tout est venu de cette idée de dialogue, de lancer des conversations spirituelles : il s’agissait de se mettre à l’écoute de certaines voix à l’intérieur de l’Église, en marge de l’Église ou carrément à l’extérieur de l’Église. »
Comment vous êtes-vous engagés dans le processus synodal?
Dina Amicone, directrice du secteur Partenariats et Groupes au Centre de spiritualité ignatienne de Montréal, a beaucoup travaillé avec l’archidiocèse de Montréal qui souhaitait créer des espaces pour faire vivre le processus synodal. Elle a animé plusieurs conversations spirituelles ; dans le cadre du processus synodal, Laurence Loubières, xmcj, et elle ont formé des personnes à l’animation de conversations spirituelles en paroisse. Dina a aussi travaillé avec différents groupes de prêtres du diocèse et avec leurs équipes pour les aider à préparer leurs propres activités paroissiales autour de conversations spirituelles. L’importance accordée à ces conversations et leur portée spirituelle forment un aspect essentiel du processus synodal.
Alors que Dina travaillait avec différents groupes paroissiaux et qu’elle formait des personnes sur le plan diocésain, on s’est demandé s’il ne faudrait pas tenir des conversations spirituelles spécialisées pour les groupes qui peuvent se sentir marginalisés dans l’Église ou qui le sont effectivement.
C’est ainsi que vous avez eu des conversations spirituelles avec de jeunes adultes, des femmes et des hommes séparés ou divorcés dans l’Église, mais aussi avec des personnes LGBTQ+. Comment les choses se sont-elles passées avec ce dernier groupe?
Tout est venu de cette idée de dialogue, de lancer des conversations spirituelles : il s’agissait de se mettre à l’écoute de certaines voix à l’intérieur de l’Église, en marge de l’Église ou carrément à l’extérieur de l’Église. À partir de notre réseau, nous avons réuni environ 25 personnes qui soit se disent LGBTQ+ au sein de la communauté LGBTQ+, qu’elles se sentent ou non affiliées à cette communauté, soit ont des enfants ou de proches parents dans la communauté LGBTQ+, ainsi que quelques alliés de la communauté. C’était un groupe très disparate.
Nous nous sommes réunis deux fois et, sans divulguer les noms des participants, nous avons remis à l’archidiocèse un compte-rendu des échanges.
L’exercice avait pour but d’encourager les gens à partager leurs expériences et à exprimer leurs attentes par rapport à l’Église : comment ils se sentaient, comment ils ont été inclus ou exclus à certaines occasions. On voulait vraiment laisser s’exprimer des personnes qui n’ont pas toujours la possibilité de se faire entendre parce qu’elles se sentent exclues, parce qu’elles sont coupées de leur milieu, ou parce qu’elles ont quitté l’Église. Souvent, les activités qui réunissent l’Église et des personnes LGBTQ+ sont lourdes de tensions idéologiques ou politiques; le dialogue cède le pas à la formulation de divergences et à l’expression de frustrations. Rien à voir avec l’idée du pape François, qui entend créer des espaces de rencontre où l’on puisse écouter et entendre le point de vue de l’autre!
Lors de ces réunions, nous n’avons pas discuté de l’enseignement de l’Église, et il n’y a pas eu de débats. Nous voulions donner sa chance au dialogue : voir et entendre où en sont les gens à ce moment-ci. Dans une perspective ignatienne, il importait tout particulièrement d’être à l’écoute non seulement des faits du récit, mais aussi des émotions. Chez certains participants, la douleur était très vive. Ils n’ont pas tout dit, mais on a pu entrevoir les problèmes qu’ils vivent.
Quels ont été les fruits de ces dialogues?
Avant tout, je pense que les gens se sont réjouis de pouvoir entrer en contact et partager leur histoire et leurs points de vue. Dans cette conception de la rencontre de l’autre, le simple fait d’être écouté et d’écouter l’autre, même si les perspectives sont différentes, nous transforme, nous ouvre, nous aide à saisir d’autres points de vue. Être écouté, être entendu, ce fut déjà en soi une expérience incroyable pour tous les participants. Ce qui montre bien le caractère profondément humain de la démarche. On a partagé beaucoup de vulnérabilités, nombre d’expériences douloureuses. De pouvoir parler, de partager ces expériences, c’est un premier pas : les gens prennent conscience qu’on peut les comprendre, ce qui les incite à aller plus loin.
Le groupe est convaincu que des membres de cette communauté, qui souhaitent établir des liens à l’intérieur de l’Église, ont réellement besoin d’un espace où entreprendre leur exploration. La deuxième réunion a été convoquée sur cette base. Nous avons parlé de la façon dont l’Église de Montréal pourrait être disposée à aider des personnes de la communauté LGBTQ+ à trouver un lieu d’appartenance. On a proposé différentes idées.
Être écouté, être entendu, ce fut déjà en soi une expérience incroyable pour tous les participants. Ce qui montre bien le caractère profondément humain de la démarche.
Le projet continue. Le groupe souhaite que ça se poursuive. Nous verrons ce que les prochains mois nous apporteront.
Qu’espérez-vous de tout cela?
Le CSIM espère offrir les Exercices spirituels et un accompagnement spirituel à toutes les personnes qui souhaitent faire cette expérience, jeunes adultes, conjoints divorcés ou séparés, ou personnes LGBTQ+. Saint Ignace a toujours conseillé de rencontrer la personne là où elle est rendue. C’est vraiment un aspect important de ce que nous faisons au CSIM. Nous n’hésitons pas à aborder un domaine qui pourrait sembler controversé, non pour mettre en œuvre des changements théologiques ou idéologiques, mais simplement pour rencontrer les gens là où ils sont et pour entendre leur histoire.
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