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Histoires

La Province des Jésuites du Canada vient de célébrer sa première année. Trois personnes ont accepté de nous parler de leur expérience de cette nouvelle province: le père Earl Smith, SJ, supérieur des jésuites de St. John’s, le scolastique Marc-André Veselovsky, SJ, et Norbert Piché, directeur national du Service jésuite des réfugiés-Canada. Les trois témoignages se font écho. Oui, la nouvelle province a mis ensemble deux langues, deux géographies et deux cultures, entraînant des changements (parfois difficiles), mais petit à petit une nouvelle vie émerge de cette union. Dans la Province du Canada se tisse une nouvelle trame de collaboration et d’enrichissement interculturels qui servent la mission de la Compagnie de Jésus.

Un pays, deux cultures

«Tout le monde au Canada connaît l’expression « les 2 solitudes » qui fait référence au roman de Hugh Mclennan publié en 1945 et qui illustre le manque de communication et l’éloignement culturel des 2 groupes linguistiques», mentionne Norbert Piché. Ces différences qui s’appliquent également à la Compagnie de Jésus au Canada ont également été soulignées par Marc-André Veselovsky.

Il faut comprendre qu’il existe deux contextes culturels complètement différents. Le Canada anglais est plus protestant, l’Église a moins de contrôle, et l’identité canadienne signifie simplement habiter au Canada. Au Canada français, la culture est catholique, il y a une plus grande identité culturelle, un vrai héritage culturel (musique, littérature, manière de faire) et tout cela doit se trouver dans le contexte de travail au Québec. Il y a aussi des similarités entre les deux cultures. Les jésuites sont là pour s’«inculturer», pour essayer de vivre la foi d’une manière qui fait sens dans un contexte culturel.

La question de la langue et de la culture n’est pas tout: la géographie du vaste pays qu’est le Canada œuvre aussi à isoler certaines communautés jésuites, comme l’illustre Earl Smith: «Vivant à la lisière de l’Amérique du Nord, nous nous trouvons facilement déconnectés des questions qui, à première vue, ont plus à voir avec les Jésuites vivant soit au Québec, soit en Ontario.»

Réunir tous les jésuites du Canada sous une même province présentait donc son lot de défis puisque, selon M. Piché, «il est très rare de voir une telle cohabitation entre individus ou entre cultures. Normalement, il y en a toujours un qui domine. Mais», ajoute-t-il, «cela ne fait pas partie des desseins de Dieu.» Ainsi, trois ans avant la création de la nouvelle province, M. Veselovsky constatait déjà chez les novices un engagement à apprendre la culture de l’autre.

Je suis entré il y a 4 ans au noviciat jésuite, et tous les novices étaient de la province du Canada anglais. Par contre, on a été en immersion dans le Canada francophone à Montréal, on a suivi des cours en français. Il y avait déjà un esprit bilingue dans notre communauté. On a expérimenté l’Arche à Québec par exemple. Il n’y a pas une grande réticence à apprendre le français et la culture québécoise, mais plutôt un engagement à le faire et à vivre en collaboration avec les autres, pour la mission.

Ce qui ressort des témoignages donc, c’est que les jésuites de la nouvelle province canadienne ont plus en commun que d’éléments qui les séparent.

Nouvelle vie dans la Province jésuite du Canada 

Pour en revenir à l’expression des deux solitudes utilisée par Hugh Mclennan, M. Piché met en lumière le fait que cet auteur «a emprunté l’expression d’un poète autrichien nommé Rainer Maria Rilke.» Et l’intention de Rilke était bien différente: il parlait du mariage.

Le but du mariage n’est pas de créer rapidement des points en commun en démolissant toutes frontières; au contraire, un bon mariage en est un où chaque partenaire désigne l’autre comme étant le gardien de sa solitude, et par ce fait ils se font témoins l’un l’autre de la plus grande confiance. Une fusion de deux personnes est une impossibilité, et où ça semble exister, c’est un cloisonnement, un consentement réciproque qui vole de l’une ou des deux parties leur pleine liberté et leur plein développement. Mais dès qu’on se rend compte que même entre les personnes les plus proches il existe des distances infinies, un merveilleux vivre ensemble l’un à côté de l’autre peut croître pour eux, s’ils réussissent à aimer l’étendue entre eux, ce qui leur donne la possibilité de toujours se voir comme un tout et devant un ciel immense.

Malgré quelques réticences de la part de certains jésuites, et les difficultés inhérentes à la construction d’un nouveau corps communautaire, cette collaboration existe dans l’union des deux anciennes provinces, souligne M. Veselovsky.

Dieu est à l’œuvre dans la collaboration. Dans l’Évangile, on dit qu’il faut collaborer pour vivre notre vie chrétienne. Et ce ne sont pas juste les chrétiens, mais tous les humains sont appelés à cette collaboration. De travailler avec des gens qui sont différents de nous et qui ne travaillent pas de la même manière, voilà qui est le côté positif de cette nouvelle province. Espérons que ça donnera quelque chose de nouveau. On est un pays riche avec assez peu de problèmes comparés à beaucoup d’autres pays, on est béni. Mais au niveau spirituel, parfois, on est tombé très faible, et en tant que jésuite on est appelé à collaborer afin d’approfondir notre spiritualité, celle des jésuites, mais aussi celle des autres, en les aidant à rencontrer Dieu. Tout se passe toujours en collaboration. Si des choses empêchent la collaboration, c’est un empêchement de la mission et de l’œuvre de Dieu.

M. Piché renchérit sur ce point: «Dieu, je crois, cherche une harmonie entre les personnes où chacun va vivre à son plein potentiel tout en « aimant son prochain comme soi-même ». Il y a dans cette nouvelle province jésuite des bribes d’espoir qui peuvent être des témoins de ce « vivre ensemble », non seulement pour les Jésuites du Canada et ceux et celles qui travaillent avec eux, mais pour d’autres personnes et sociétés à travers le Canada et le monde.»

Et dans les faits, la collaboration et l’ouverture à l’autre se mettent tranquillement en place, même dans la lointaine Terre-Neuve, comme le montre P. Smith.

Il y a des évidences de croissance au sein de ma communauté. L’un de nos membres est désireux d’approfondir sa connaissance du français par des rencontres en face à face avec des jésuites québécois. Nous connaissons de mieux en mieux les francophones de St. John’s en raison des contacts avec les francophones par l’entremise de notre paroisse et de l’Université Memorial, une école à proximité qui accueille des étudiants francophones. Nous nous engageons de plus en plus dans les ministères et les engagements nationaux et internationaux de notre province par le biais de processus discernés et partagés. Nous et nos collaborateurs de St. John’s avons une voix; la voix sacrée du Saint-Esprit de Dieu sur les questions qui ont le potentiel de changer le monde pour le bien.

Dans la même mission

Ainsi, dans la nouvelle province, la mission est la même, mais la manière d’y participer est différente. La retraite de la province qui a commencé tout juste après la fête de Saint Ignace – également la fête de la province – a permis de discerner l’œuvre de Dieu chez les jésuites du Canada. Pour le P. Smith, cette retraite a été l’occasion de se pencher sur la mission des jésuites avec Jésus.

Ma prière de retraite comprenait le fait d’être placé dans le tableau de l’image de notre Seigneur Jésus crucifié aux côtés de trois anciens Supérieurs généraux, dont le P. Pedro Aurrpe. D’autres membres de ma communauté locale et des jésuites de la Province du Canada étaient également présents pour « contempler notre Christ mort ». Il est clair que cette image nous invite (nous supplie) à réfléchir profondément sur notre place dans la Mission avec Jésus qui porte sa croix comme l’a envisagé saint Ignace à La Storta. Je crois que l’identité renouvelée de notre entreprise est fondée sur notre mémoire vivante de notre Sauveur qui sauve notre humanité brisée et, en fait, toute la création.

photo: Moussa Faddoul pour fotoreflection.com

Il y aura toujours de ces «grandes étendues» entre personnes et entre cultures, mais nouvelle province à l’identité renouvelée est comme un corps pascal. Les propos de M. Veselovsky à la suite de la retraite font écho à ceux du P. Smith.

Nous suivons Jésus comme d’habitude. Mais nous ne pouvons le suivre à l’ancienne manière, car les membres du corps ont changé. Il faut demander chaque jour la grâce de l’Esprit Saint d’enlever les barrières entre les anglophones et les francophones du Canada. Il faut demander chaque jour la grâce de la collaboration afin d’aider chacune et chacun que nous rencontrons.

« Le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde qu’un homme prit et sema dans son champ : lequel est, il est vrai, plus petit que toutes les semences ; mais quand il a pris sa croissance, il est plus grand que les herbes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent et demeurent dans ses branches » (Matthieu 13:31-32).

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