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In Memoriam

Décédé à l'infirmerie de Richelieu, mercredi 19 août 2015, vers 16:45.
Exposé à la chapelle Notre-Dame-de-Richelieu, samedi 12 septembre à partir de 10h.
Les funérailles seront célébrées au même endroit à 14h.

 

Décédé à l'infirmerie de Richelieu, mercredi 19 août 2015, vers 16:45.
Exposé à la chapelle Notre-Dame-de-Richelieu, samedi 12 septembre à partir de 10h.
Les funérailles seront célébrées au même endroit à 14h.

NÉCROLOGIE

Jacques LEVAC, SJ (1935 – 2015)

Le père Jacques Levac est décédé subitement à notre infirmerie à Richelieu le 19 août dernier, à l’âge de 80 ans, après 61 ans de vie religieuse jésuite.

Né à Montréal, Jacques avait fait ses études classiques au Collège Sainte-Marie, rue de Bleury. Il était entré au noviciat de la Compagnie au Sault-au-Récollet en 1954; c’est là qu’il avait également fait ses études littéraires (le juvénat) avant de passer au Collège de l’Immaculée-Conception pour trois ans de philosophie. C’est au Collège du Sacré-Cœur, à Sudbury, qu’il est allé pour sa régence, comme préfet de discipline. Il était ensuite revenu à Montréal pour étudier la théologie durant quatre ans, de 1964 à 1968, ayant été ordonné prêtre en 1967, par Mgr Adolphe Proulx.

Il s’est alors engagé au service de la jeunesse, dans le mouvement « Jeunesse en marche », dont il est devenu le modérateur national en 1969. Il a contribué au renouvellement de la pastorale missionnaire chez les jeunes, s’impliquant à fond, entre 1968 et 1979,  au « Service Mond’Ami » et dans la publication de revues attrayantes.

Le P. Provincial lui a demandé, à ce moment-là, d’être Maître des novices, alors que le noviciat emménageait rue Sherbrooke, en face du Parc Lafontaine. Il occupera ce poste de 1979 à 1985. Il sera alors appelé à Québec pour être à la fois supérieur et directeur du Centre de spiritualité Manrèse de 1985 à 1990. Sa carrière de prédicateur de retraites trouve là ses racines.

Ce sera ensuite le retour à Montréal, comme supérieur et président de la corporation qui portait encore le nom de « Centre d’informations religieuses », à l’église du Gesù. Après une année sabbatique en 1995-96, il s’orientera fermement vers le ministère des Exercices spirituels, d’abord à notre maison de Saint-Jérôme. Même quand il quitta la communauté de Saint-Jérôme pour joindre l’équipe de la Villa Saint-Martin, il demeurera directeur du programme des retraites à Notre-Dame-de-Montserrat. Il a été un prédicateur très recherché dans des milieux divers. Ses élans et son dynamisme ont été abruptement stoppés quand, en 2009, il a subi un AVC qui l’a pratiquement privé de la parole en plus de réduire sa mobilité, et ce, pour le reste de ses jours.

Oui, Jacques a été un homme de la parole… sachant si bien présenter la Parole, celle de Jésus, qui le faisait vivre. Il savait se faire proche des gens et, s’il pouvait bien parler, il était aussi apprécié pour son sens de l’écoute et pour la bonté qu’il manifestait dans son sourire, sa propension au rire même. Le plus remarquable peut-être, c’est qu’il a su accueillir avec sérénité l’épreuve qui l’a frappé. Même à l’infirmerie de Richelieu, il est demeuré souriant et accueillant, malgré la difficulté qu’il avait à communiquer.

Il avait toujours gardé des liens très étroits avec sa famille et ses amis qui seront nombreux à participer à ses funérailles, célébrées le samedi 12 septembre à 14h, à la Résidence Notre-Dame, à Richelieu. La présidence de la célébration est confiée à Mgr Vital Massé, évêque émérite du diocèse de Mont-Laurier et grand ami de Jacques. L’homélie sera prononcée par le P. Jean-Guy Saint-Arnaud, co-novice du Père Levac.

 

Homélie aux funérailles

Qu’êtes-vous donc venu faire à Richelieu, en ce bel après-midi de septembre? Qu’êtes-vous donc venu y chercher?  Pourquoi ce déplacement? Ce n’est surement pas pour l’amour des funérailles que vous êtes ici rassemblés. Connaissez-vous des personnes qui aiment fréquenter ce genre de célébrations, à part, bien sûr, des entrepreneurs de pompes funèbres ? Ce n’est surement pas la mort elle-même qui vous fascine et vous attire. Vous le savez bien, c’est Jacques, notre frère, notre oncle, notre ami, notre compagnon, notre père spirituel, qui nous réunit mystérieusement, cet après-midi. Mais pas seulement Jacques, mais aussi Jésus que Jacques aimait tant et qui fut si profondément présent et agissant au cœur de sa vie.

C’est dire que nous sommes invités, au cours de cette célébration, à revivre et à expérimenter, à notre manière, ce que Marthe et Marie ont vécu à la mort de leur frère Lazare, alors que Jésus est s’est rendu à Béthanie pour pleurer avec elles la mort de son grand ami. « Voyez comme il l’aimait », disaient les gens. Pour actualiser et nous approprier le récit de l’Évangile qui vient d’être proclamé, nous  sommes renvoyés à nous-mêmes, à Jacques et à Jésus

Il convient, au départ, de prendre conscience de l’affection qui nous unit à Jacques,  en identifiant et en nommant nos sentiments et nos regrets. Et, pourquoi pas, à l’exemple de Marthe et de Marie, en osant interroger Jésus et lui faire des reproches.  Il y a tant de choses que nous n’arrivons pas à comprendre dans la façon du Seigneur de se comporter envers Jacques et envers nous. « Si tu avais été là, Seigneur, mon frère ne serait pas mort »,insistent Marthe et Marie. Pourquoi mourir, pourquoi sommes-nous confrontés à l’éventualité de notre mort qui nous fait peur et nous angoisse? Pourquoi Jacques a-t-il vécu ses dernières années privées de parole, handicapé, à nourrir les écureuils en fauteuil roulant, lui qui a si bien parlé de toi? Si vous avez vécu la retraite de Jacques sur Jésus, vous savez que Jacques a bien parlé du Seigneur. Il parlait de toi, Seigneur, en y mettait tout son cœur. Il y manifestait sa profonde affection pour son maitre qui l’avait appelé à sa suite. On ne pouvait douter de l’authenticité de son expérience de foi et de la réalité de ce qu’il proclamait. Pourquoi, Seigneur, cette fin de vie de Jacques diminué, pénible, solitaire? « Si tu avais été là! » Nous ne comprenons pas ta façon de faire avec tes amis. Nous soupçonnons bien que tu habitais son silence pour l’appeler à une nouvelle et mystérieuse intimité. Qui sait, qui pourrait nous le dire? Les écureuils peut-être, s’ils pouvaient parler eux aussi?

La mort de Jacques, Seigneur, nous renvoie à notre propre mort à venir. Tant qu’à nous plaindre, allons-y. Comme disait  un petit garçon à la mort de son grand-père : « Ce n’est pas une vie, mourir! » La mort de Jacques et la perspective de notre propre mort nous interrogent, nous troublent et nous angoissent dans le fond de nous-mêmes. Viens vers nous, Seigneur, comme tu t’es rendu à Béthanie, chez tes amis, pour nous redire les paroles lumineuses de la résurrection. « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra; et tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »

Bien sûr, nous ne devons pas nous fixer sur les dernières images douloureuses que Jacques nous a  laissées à la fin de sa vie.  Il nous faut élargir notre regard et de nous ouvrir le cœur pour retrouver dans nos souvenirs toutes les merveilles qu’il a vécues et réalisées au long de ses 80 ans.  Si nous pouvions, nous qui avons connu Jacques, mettre ensemble ce que nous conservons de lui dans notre tête et notre cœur, nous pourrions tracer un impressionnant portrait de ce qu’il a été, le portrait d’un homme profondément humain qui, comme Jésus, aimait intensément, passionnément la vie et les personnes. Jacques aimait les rencontres et les fêtes. La joie de vivre faisait sa richesse, une richesse qu’il ne pouvait garder pour lui, qu’il était toujours prêt à partager. Il fut un véritable rassembleur, un artisan de fraternités. Que ce soit au cours de sa formation, avec ses compagnons jésuites, que ce soit à Sudbury, chez les collégiens, que ce soit dans son travail auprès des mères  célibataires (avec les sœurs de la Miséricorde), que ce soit dans son engagement envers les jeunes de Jeunesse en marche et de Monde Amis (qui lui a fait parcourir les différents  diocèses du pays et nouer partout de fortes amitiés avec les catéchètes. et les missionnaires), que ce soit comme directeur du Centre de spiritualité Manrèse de Québec, que ce soit comme maitre des novices à Montréal ou comme responsable de l’animation spirituelle à Saint-Jérôme, partout où il passait, il générait de la vie et semait de la joie. Sa famille, ses frères et sœurs, ses neveux et nièces, y ont goûté à coup sûr, eux aussi, à Ville-Émard, à Oka, aux Iles de la Madeleine, partout où Jacques savait les rejoindre.

Le tableau ne serait pas complet si nous passions sous silence l’humour plein de finesse et d’intelligence avec lequel il avait l’art d’assaisonner sa vie. L’amour chez lui rimait merveilleusement avec l’humour. Vous connaissez sans doute la vivacité d’esprit de Jacques et la maitrise qu’il avait du langage. Même si cela ne se fait pas dans une homélie, ne le dites à personne, je me permets de vous rappeler ce qui lui est arrivé, lorsqu’il se promenait un jour à Paris avec un compagnon jésuite. Il fut rejoint par un clochard qui lui demandait l’aumône pour retourner chez lui à Prague. La réplique ne se fit pas attendre : Jacques se tourna vers son compagnon pour lui dire : « C’est la première fois que je vois un Tchèque sans provision! ». Décidément, Jacques aurait fait un bon pape. Il avait le sens de se faire proche des gens, avec la spontanéité et la simplicité d’un enfant.  On aurait pu dire de lui ce qu’une vieille religieuse de 92 ans disait du Pape François : « Ça parait qu’il n’a  pas d’instruction, quand il parle, on le comprend. »

Comme le suggère l’épisode de Jésus chez Lazare – et Jacques serait d’accord –, ce que nous sommes venu reconnaître et célébrer cet après-midi, ce n’est pas un deuil, mais plutôt une résurrection. La résurrection, c’est le cœur, le noyau atomique de notre foi chrétienne, la sol solide de notre espérance et l’expression époustouflante de l’amour fou de Dieu pour nous. Comme dit saint Paul.  Si le Christ n’est pas ressuscité, tout croule. Notre foi est vide. Notre religion retombe dans une morale impuissante et  triste.  Buvons et mangeons, car demain nous mourrons. Mais saint Paul, dans la première lecture, nous rappelle avec insistance :

« Frères et sœurs, nous ne voulons pas vous laisser dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort; il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n'ont pas d'espérance. Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Ainsi nous serons pour toujours avec le Seigneur.         

Retenez ce que je viens de dire.  Et réconfortez-vous les uns les autres.»

Nous sommes déjà ressuscités dans le Christ. Notre mort humaine n’est pas la fin de tout, mais un passage, une nouvelle naissance, un éveil à une vie en plénitude. Le plus grand théologien qui a ravivé ma foi en la résurrection, c’est un petit garçon de 4 ou 5 ans.

Comment, pour conclure, ne pas évoquer ici le plus merveilleux des mots d’enfant qu’il m’a été donné de connaître.  Il s’agit d’une histoire véritable et non pas inventée pour fin d’homélie. Il s’agit d’une étudiante de dix-neuf ans qui gardait, un samedi soir, ses deux jeunes neveux. L’un avait huit ans, l’autre, plus jeune, n’allait pas encore à l’école.  Avant d’aller au lit, le plus vieux demande à sa tante : « Qu’est-ce que c’est que mourir ?»  En entendant ces mots sur les lèvres d’un enfant, la jeune fille a senti un frisson lui passer dans le dos. Que répondre à un enfant qui pose une telle question ?  Comme elle était intelligente, elle trouva une belle réponse à la fois vraie et douce.  Elle  répondit : « Mourir, c’est comme si, toi et ton petit frère, vous vous couchiez ce soir et que demain vous ne vous réveilleriez pas ». Le petit, qui écoutait cela avec de grands yeux, répliqua aussitôt spontanément : « Nous autres, ma tante, nous ne mourrons jamais, parce que maman vient nous réveiller tous les matins ». Quelle sagesse profonde dans ce mot d’enfant! C’est bien cela que Jacques a compris et nous a donné de comprendre : nous ne mourrons pas, parce qu’il y a quelqu’un qui nous aime et qui nous réveille tous les matins.

Merci au personnel de la résidence de Richelieu, en particulier aux médecins, aux infirmières, aux proposés, à l’équipe jésuite et aux compagnons de Jacques. Pour plus d’informations sur ce que Jacques a vécu profondément durant son séjour à Richelieu, consultez les écureuils au jardin!

Jean-Guy Saint-Arnaud, S.J.