Il y a 400 ans que vous vivons ensemble, ne pouvons-nous faire mieux? Pourquoi nous connaissons-nous si mal? Le 28 septembre, Joyce Echaquan, une Autochtone de 37 ans, mère de sept enfants et membre de la Première Nation des Atikamekw de Manawan, est morte accablée d’insultes racistes déshumanisantes dans un hôpital de Joliette, au Québec.
Les Jésuites du Canada expriment leur profonde sympathie à la famille de madame Echaquan et à sa communauté. Nous tenons aussi à nous dire solidaires de la frustration des Premières Nations devant l’ampleur des préjugés systémiques et de la discrimination à l’encontre des peuples autochtones au Canada.
S’il faut reconnaître et sanctionner l’horreur et l’injustice qu’a subie madame Echaquan, cet incident n’est pas isolé au Canada. Plusieurs Autochtones craignent d’aller à l’hôpital. C’est inacceptable. Et ce n’est pas seulement dans les milieux de la santé qu’on observe des attitudes et des comportements racistes. La Commission royale sur les peuples autochtones en 1996, la Commission de vérité et réconciliation en 2015, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues en 2019 et, au Québec, la Commission Viens en 2019 sont toutes arrivées à la même conclusion : le racisme et la discrimination à l’égard des Autochtones au Canada sont systémiques, ils s’enracinent dans notre histoire coloniale et se manifestent dans les attitudes et les pratiques de nos institutions aussi bien dans la société civile que dans nos organisations religieuses. En outre, en 2016, le gouvernement canadien a donné son plein appui à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui décrit la forme que doit prendre le respect des peuples autochtones et de leurs droits. Après tant d’études, et après avoir accepté qu’une norme internationale règle notre conduite, affirmer que le racisme anti-autochtone n’est pas systémique, cela sent la naïveté, la rhétorique politicienne ou l’ignorance délibérée.
Le racisme s’exprime extérieurement dans des actions personnelles et institutionnelles. Ces pratiques sont le résultat d’une vision de « l’autre » héritée d’usages coloniaux qui subordonnent et marginalisent les personnes différentes du groupe dominant. Pour transformer les lieux où le virus du racisme se tapit en nous, en particulier chez ceux et celles d’entre nous qui ne sont pas Autochtones, il faut nous engager activement à lutter contre le racisme et à décoloniser nos attitudes et nos institutions. Nous avons besoin de formation, et nous devons adopter des politiques, des règles de conduite et des comportements antiracistes, et sanctionner leur violation.
Mais surtout, nous avons besoin de l’aide de nos soeurs et de nos frères autochtones. Nous devons écouter leurs voix et apprendre de leurs connaissances. Comme le dit le pape François dans sa récente encyclique Fratelli tutti, nous partageons toutes et tous « … la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacune et chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacune et chacun avec sa propre voix… ». Les jésuites se sont mis à l’écoute des voix et de la sagesse de nos soeurs et de nos frères autochtones, ce qui a assurément élargi nos perspectives et nous a aidés à entreprendre notre propre itinéraire vers la décolonisation. Plusieurs autres se sont aussi mis à l’écoute et ont progressé dans la solidarité et le partenariat avec les peuples autochtones.
Dans un message sur Facebook au lendemain de la mort de Mme Echaquan, le chef héréditaire algonquin T8aminic Rankin déclarait : « Nous devons tous nous préparer, monter dans le même canoë pointant dans le bon sens, et laisser le fleuve nous mener toujours dans la bonne direction. »
En nous donnant les uns aux autres de l’espace pour respirer et pour nous exprimer librement, nous pourrons peut-être commencer à vivre vraiment ensemble et à descendre le fleuve dans la bonne direction en respectant les traités que nous avons conclus.
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José Sánchez
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