Oui, du siècle parmi les siècles! Mais, attention, il ne s’agit pas des noces de Cana où il fut question d’un couple dont on ne sait rien. Ce qui saute aux yeux, à Cana, c’est que le Seigneur Jésus y prit la vedette et relégua dans l’ombre le pauvre époux qui n’avait plus de vin à offrir à ses convives. Toutefois, il semble bien que l’époux n’eut pas de peine à se remettre de ses déboires quand il vit surgir à boire, en fin de noce, de 80 à 120 galons du meilleur cru de la saison – sans qu’il ne lui en coûte le moindre denier!
Non. Il s’agit ici de la petite histoire d’une grande tendresse, qui devint la timide histoire d’un grand mariage. Deux tourtereaux s’aimaient tendrement et décidèrent de mettre ensemble le projet de leur amour qui ambitionnait de “donner Dieu au monde”. Ensemble, ils voulaient composer, doubler et multiplier leur effort pour donner Dieu au monde. C’était une lubie chez eux, indéracinable de leur tête et de leur coeur.
Et, pour une fois, Dieu se mêla directement de l’affaire. Le Père et l’Esprit présidèrent à l’union, et le Fils en fut le fruit. On comprit dès lors que, depuis toujours, le mariage c’est l’affaire de Dieu. C’est l’union qui révèle l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit dans le couple choisi. Et Jésus dira, de tout mariage, qu’il est béni par Dieu, qu’il est intention de Dieu, plan divin sur la création en marche partout dans le monde… et personne n’osera séparer ce que Dieu a uni, pensez donc!
Ils s’appelaient Joseph et Marie, et faisaient partie du peuple de l’Annonce. Comme leurs concitoyens, paysans, villageois et citadins, ils attendaient le Messie qui devait apparaître bientôt, selon les oracles de l’Alliance. Ils ne se doutaient de rien, nos “deux pigeons qui s’aimaient d’un amour tendre”. Ils vivaient au sein d’un peuple marqué, depuis des siècles, par l’attente de Dieu. Ils voulaient seulement unir leur énergie d’amour, dans leur train-train quotidien, pour collaborer à leur mesure (aussi minime fût-elle) au grand projet de Dieu en terre humaine. Ils ne se doutaient pas que Dieu allait prendre au sérieux leur offre un peu naïve: livrer Dieu aux mains des humains. Dieu qu’on attendait, Dieu dont on avait un besoin criant à vous percer les tympans. Ils en vivaient simplement et voulaient en communiquer l’espérance au peuple fatigué. C’est ainsi qu’ils s’unirent, à la mode du temps, mais ils le firent dans cette unique fin: donner Dieu. Et Dieu bénit leur union, l’Esprit les enveloppa et ils mirent Dieu au monde.
Ils venaient de très loin dans le temps; ils s’amenaient depuis longtemps pour prendre place, sans savoir, dans l’histoire du peuple. Sans qu’ils ne s’en doutent, sans que personne ne soupçonne rien, Dieu préparait ce mariage dans le silence tapageur des siècles. D’après le Livre sacré, quarante-deux générations précédèrent la venue du sauveur Jésus. Le Livre de l’Annonce écrit:
Le total des générations est donc: d’Abraham à David, quatorze générations;
de David à la déportation de Babylone, quatorze générations; de la déportation
de Babylone au Christ, quatorze générations.
Et l’on y retrouve des noms qui sonnent beau à l’oreille de l’Histoire. Je voudrais être chantre pour vous chanter la mélodie des généalogies du Seigneur:
Abraham engendra Isaac,
Isaac engendra Jacob,
Jacob engendra Juda et ses frères,
Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar.
De Thamar! Cette pauvresse qui se déguisa en prostituée sur le chemin d’Énayim pour séduire son beau-père et obtenir de lui ce que ses fils décédés n’avaient pu lui donner. Et Juda dit:
Elle est plus juste que moi.
C’est qu’en effet je ne lui avais pas donné mon fils Shéla.
Juda la pris chez elle, elle enfanta des jumeaux; et il n’eut plus de rapports avec elle. Du jumeau Pharès naquit Esrom qui continua le lignage jusqu’à Jessé. Et Jessé engendra le futur roi David, prince de l’unité en Israël.
Puis, le lignage continue: David engendra un fils, Salomon, qu’il tint de Bethsabée, femme d’Urie tué au front d’une guerre programmée. Salomon engendra Roboam, le roi du schisme politico-religieux du pays israélite. Et leur lignage va jusqu’au petit roi Josias qui engendra Jéchonias lequel fut emmené en exil à Babylone. Depuis, le lignage de la déportation n’eut plus rien de royal: après Jéchonias, dernier roi, suivent Salathiel et les autres descendants, des plus ordinaires, jusqu’à Matthan, Jacob et Joseph.
Un long trajet d’histoire à vous couper le souffle. On marche, on marche, on ne se doute de rien, et Dieu fabrique l’histoire qui nous emmène quelque part, qui nous mène à bon port.
Et au terme de cette longue préparation au mariage du siècle, le Livre dit simplement:
Matthan engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie
de laquelle naquit Jésus, dit messie.
C’était tellement ordinaire, aux yeux des humains peu sensibles à l’insondable mystère de Dieu, que l’on dira plus tard: De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon?
Ou encore:
Est-il un seul des notables qui ait cru en lui ou un seul des pharisiens…
Étudie! Tu verras que de la Galilée il ne surgit pas de prophète.
Du plus ordinaire, Dieu tire le plus sublime, l’infini, l’éternel. Car là où il y a l’amour, sincère, total, indissoluble, de toutes choses petites et corruptibles Dieu tire des merveilles de vie. Il s’agit de croire et d’aimer. Un ami me disait, un jour, qu’un collègue de travail lui demandait, sceptique, s’il croyait toujours à la fameuse “indissolubilité du mariage”. L’ami répondit: “Moi? je n’en sais rien! Tout ce que je peux dire c’est que le mien, mon mariage, il est de plus en plus indissoluble”! Là où il y a l’amour, Dieu est.
Lectures
Bible – Genèse chapitre 2.
– Matthieu chapitres 1 et 19; Jean chapitre 2.
Autre – Claude Wiéner, article “Mariage” in Vocabulaire de Théologie Biblique.
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