By Rachel Moccia
Matthew Hendzel s’est toujours senti appelé à la fois aux études universitaires et au ministère pastoral. Sa formation jésuite l’aide à voir comment intégrer les deux.
Pouvez-vous nous parler de votre découverte de la foi?
Je suis né à Winnipeg, au Manitoba. Ma mère était anglicane et mon père catholique, mais ni l’une ni l’autre ne pratiquaient. J’ai fréquenté une école mennonite et c’est là que j’ai commencé à me poser des questions sur mes racines religieuses. C’est donc en milieu scolaire que j’ai découvert la foi. J’ai décidé de suivre le RICA (rite d’initiation chrétienne pour les adultes) et j’ai été confirmé.
Qu’est-ce qui vous a conduit chez les jésuites?
Je suis allé l’Université du Manitoba où j’ai suivi un cours avec un jésuite, le père David Creamer ; il m’a fait connaître la Compagnie. J’ai toujours eu le désir de servir les autres, notamment par l’enseignement, et il m’a montré qu’on pouvait être à la fois prêtre et professeur : c’était le meilleur des deux mondes, me semblait-il !
J’ai aussi étudié à la Graduate Theological Union, où je me suis lié d’amitié avec un certain nombre de scolastiques jésuites. Le fait de découvrir la vie quotidienne d’un jésuite m’a beaucoup aidé dans mon discernement.
Après quelques années d’études doctorales, j’ai finalement fait le grand saut et demandé mon admission dans la Compagnie.
Sur quoi ont porté vos études de doctorat?
J’ai un doctorat en théologie systématique. Je m’intéressais à la souffrance, à l’eschatologie et à la vie après la mort; ma thèse portait sur la doctrine du purgatoire.
Comment votre doctorat éclaire-t-il votre ministère?
Pendant que je travaillais à mon doctorat, j’ai suivi un cours en pastorale hospitalière. J’étais donc confronté tous les jours à la souffrance vécue, ce qui donnait un visage humain à mes recherches universitaires. Une réciprocité s’est établie : mon travail universitaire influençait mon approche du ministère et vice versa. Ce fut un moment important dans ma vie professionnelle, car cela répondait à mon désir d’arracher à l’abstraction une partie de ma recherche pour l’appliquer sur le plan pastoral.
Votre formation jésuite vous a-t-elle aidé à mieux comprendre votre vocation?
Un jésuite du nom de John Govan avait l’habitude de répéter : « le trajet le plus long est celui qui va de la tête au cœur ». Cette phrase caractérise bien ce que j’ai vécu jusqu’ici, car la tête a été beaucoup plus sollicitée que le cœur. Chez moi, la formation jésuite a ouvert la voie au travail sur le cœur.
Pouvez-vous nous parler des expériences porteuses dans votre formation?
Le service bénévole dans une soupe populaire au centre-ville de Montréal a été une première expérience significative. Je devais parler français et, comme mon français n’est pas très bon, il me fallait vraiment distiller ce que je voulais dire et m’efforcer d’être simplement présent aux gens.
J’ai aussi travaillé à L’Arche, ce qui me posait un double défi : communiquer exclusivement en français avec des personnes ayant une déficience intellectuelle. Je ne pouvais pas résoudre leurs problèmes ni avoir avec elles de longues conversations. J’ai dû me résigner à dépasser mon inconfort, à accepter mes limites et à me rendre simplement présent.
Mon stage à Kingston, en Jamaïque, a également été très formateur. L’un de mes moments préférés a été une classe biblique. Je n’y allais pas exposer mes connaissances en exégèse : nous lisions simplement des passages de l’Écriture en les mettant en relation avec nos propres expériences. Encore là, j’ai eu l’occasion de me détacher de certains talents que je pensais avoir pour m’en remettre à d’autres dons, qui étaient en latence, et faire confiance à Dieu dans ce processus.
En quoi consiste votre travail à Loyola House?
Je suis au centre de retraite depuis environ un an et demi. Lorsque la pandémie a frappé en mars dernier, nous ne savions pas trop quoi faire.
Après un examen de conscience, nous avons trouvé plusieurs façons de nous adapter. Nous avons conclu un accord avec le comté de Wellington pour que Loyola House serve de logement temporaire à des personnes sans abri. Nous avons fait de plus en plus de direction spirituelle par téléphone et nous avons commencé à proposer des retraites en ligne. Nous avons créé des vidéos avec des conférences, des photographies et des fichiers d’accompagnement, puis nous les avons téléchargé sur YouTube pour les retraitants. J’ai pris certaines responsabilités dans la création de ces vidéos et ce travail créatif a été une expérience très enrichissante.
En quoi votre travail au centre de retraite vous permet-il de guider les gens vers Dieu?
Au cours de cette année difficile, je pense que nous avons répondu au besoin qu’ont toujours les gens de faire une retraite spirituelle. Même si les retraitants font ces retraites depuis leur domicile, ils se disent reconnaissants pour l’espace qui leur permet de se reconnecter intentionnellement avec Dieu pendant cette période plus exigeante.
La dernière année a été marquée par de grands deuils. Vu l’objet de vos études et votre expérience pastorale d’accompagnement en période difficile, que nous suggérez-vous pour trouver Dieu dans les temps d’épreuve?
Le défi pour moi, c’est de me mettre à chercher Dieu là où je n’aurais pas pensé le trouver. Je lis ces moments comme une invitation à regarder plus en profondeur.
Par exemple, une de mes pratiques d’oraison consiste à aller marcher à l’extérieur. Avant mon séjour au centre de retraite, j’avais toujours vécu en ville ;je n’avais qu’à sortir de chez moi pour m’inventer une foule d’itinéraires différents. J’aimais bien l’aspect ouvert de la marche en ville.
Pendant la pandémie, j’ai fait et refait toute l’année les mêmes sentiers au centre de retraite. Mais j’ai eu l’idée de prendre un appareil photo et de tirer un cliché dès que quelque chose retenait mon attention. J’ai maintenant des centaines, voire des milliers de photos. Je les regarde; elles me montrent que Dieu me parle dans les paysages de la nature. En ces temps difficiles, je demande au Seigneur de m’éclairer et de continuer d’employer de nouvelles façons de me parler.