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De loup solitaire à berger : le parcours de communauté et de service du P. John Sullivan

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Par John Dougherty

L’une des premières leçons qu’a apprises John Sullivan en entrant dans la Compagnie de Jésus portait sur la communauté. « Ma famille est plutôt réservée, si bien qu’au début, je n’accordais pas vraiment beaucoup d’importance à la vie communautaire », confie en riant le père Sullivan, aujourd’hui curé de la paroisse Divine Mercy à Saint-Jean, Terre-Neuve. « Je n’ai besoin de personne, je peux très bien me débrouiller seul. » Ce souci d’indépendance n’a pas résisté au grand expériment fait dans la réserve des Premières Nations de Wiikwemkoong, dans le nord de l’Ontario, expérience qu’il juge aujourd’hui positive, mais intense. À l’époque, de passage à Toronto, il se rappelle avoir croisé un confrère de noviciat avec lequel il ne s’entendait pas. « Mais à ce moment-là, dit l’ancien novice, nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre, comme des frères séparés depuis trop longtemps. » 

« Ignace parle souvent des amis dans le Seigneur, et c’est bien ainsi que je comprends la vie communautaire, explique le père Sullivan. Un sentiment d’entraide, d’amitié et d’expérience partagée. Il est vite devenu évident que je ne suis pas le solitaire que je croyais être. »  

« Ignace parle souvent des amis dans le Seigneur, et c’est bien ainsi que je comprends la vie communautaire, explique le père Sullivan. » 

John Sullivan est né à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, mais la vie jésuite l’a conduit aux Antilles, dans le Pacifique et d’un bout à l’autre du Canada. Et il y a découvert le paradoxe de l’amitié dans la Compagnie : on tisse des liens étroits, mais on se dit au revoir dès que survient une nouvelle mission. 

Après son ordination, John Sullivan a été envoyé à la paroisse Sainte-Anne de West Kingston, en Jamaïque (« Ste-Annie » pour les paroissiens), où il fit une expérience communautaire radicale. « Une partie du charisme jésuite consiste à être plus accessible, plus proche des gens », estime le père Sullivan, qui évoque les corvées où il travaillait au coude à coude avec ses paroissiens, armés d’une machette pour repousser une végétation envahissante. 

Pour le père Sullivan, la communauté est d’abord une question d’appartenance.

En mai 2010, moins d’une semaine après son entrée en poste, le gouvernement jamaïcain imposait la loi martiale dans l’ouest de Kingston parce que l’armée tentait de retrouver et d’expulser un puissant chef de gang. Les résidents étaient confinés chez eux, coupés de leurs sources d’approvisionnement et sans aucun moyen de réfrigération ; en un mois, plus de 70 civils sont morts et des centaines d’autres ont été arrêtés. Malgré le danger, le père Sullivan et son confrère, le père Peter McIsaac, ont choisi de rester sur place. Éventuellement, les militaires sont venus demander leur aide pour distribuer aux personnes affamées la nourriture réservée à un programme paroissial de sensibilisation. « Cette expérience m’a vraiment ancré dans la communauté », dit aujourd’hui le père Sullivan. Bien qu’il ait reçu une nouvelle affectation au Canada en 2011, ses liens avec la Jamaïque restent très forts et il participe régulièrement à des appels Skype, de nuit, avec ses amis de Kingston. 

Celles et ceux qui ont travaillé avec John Sullivan témoignent de son talent de bâtisseur de communauté. Meg Doherty, directrice du camp Ekon – un camp d’été à l’extérieur de Toronto où Sullivan travaille depuis 2007 –, parle de son humour, de sa gentillesse et de son humilité. « Le père John donne l’exemple, dit-elle d’emblée. Aucun travail n’est en dessous de lui, et il incarne pour les jeunes campeurs et pour notre personnel la façon dont se construit une vie au service des autres. » Mme Doherty décrit son travail avec celui que tout le monde surnomme affectueusement « Sully » comme le modèle de ce que devrait être la collaboration entre jésuites et laïques : « Nous apprenons tellement les uns des autres et nous arrivons à équilibrer le travail, les idées et les compétences. »  

« Le père John donne l’exemple. Aucun travail n’est en dessous de lui, et il incarne pour les jeunes campeurs et pour notre personnel la façon dont se construit une vie au service des autres. » 

Malheureusement, le camp Ekon fermera ses portes cette année, après 52 ans de service. Ce ne sera pas la première fois que le père Sullivan aidera une communauté à vivre un deuil de cette nature. Après dix ans à Toronto, on l’a envoyé à la paroisse Saint-Pie-X, à Saint-Jean, Terre-Neuve ; malheureusement cette église a dû être vendue pour indemniser les victimes d’abus sexuels commis par des clercs. « D’un côté, un édifice n’est jamais qu’un édifice, confie-t-il. Mais ensuite, vous entendez les histoires des gens… toute leur histoire, les souvenirs intimes et profonds qui se rattachent à l’église… un endroit où ils venaient rencontrer Dieu. » 

« Une partie de notre charisme consiste à être plus proche des gens. »

S’inspirant du Bon Pasteur, John Sullivan a animé avec douceur et compréhension la communauté Saint-Pie-X jusqu’à sa fermeture et jusqu’à l’ouverture de la nouvelle paroisse jésuite, Divine Mercy, en 2022. Pendant la transition, son message n’a pas varié : « Il ne sert à rien de nier cette situation douloureuse ni même la colère que nous éprouvons face à la culpabilité de l’Église, puisque tant de gens en ont souffert. Mais d’un autre côté, Dieu est la source de toute vie et non seulement de la vie, mais de la vie en abondance. » 

Avec le recul, celui qui se prenait pour un solitaire n’a que des mots d’amour et de reconnaissance pour les communautés où il a vécu et servi. « La somme de gratitude et d’affection que les gens vous témoignent est incroyable », avoue-t-il en songeant peut-être au flux quasi ininterrompu de biscuits faits maison que reçoit le curé. Mais le plus important, c’est la façon dont ses communautés l’ont aidé et l’aident toujours à recevoir et à partager l’amour de Dieu, lui qui avait du mal à se voir comme particulièrement avenant. « Vous finissez par vous dire : “Je ne suis peut-être pas si rébarbatif après tout… peut-être que moi aussi, je suis aimé de Dieu.” Oui, c’est vraiment important… non seulement notre vie au service des autres, mais réciproquement, le service qu’ils nous rendent. »  

 

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Né en 1970 à Saint-Jean, NB, le père John Sullivan est entré dans la Compagnie de Jésus en 1995 et ordonné prêtre en 2007.  Il a ensuite terminé ses études de théologie avant de passer un semestre chez les autochtones de la région de Thunder Bay, en Ontario. De 2009 à 2011, il a travaillé à Kingston, en Jamaïque, à la fois comme curé, enseignant au secondaire et professeur au collégial. Il a ensuite terminé sa formation aux Philippines. De retour au Canada, il a été nommé curé de la paroisse jésuite de Toronto, Notre-Dame-de-Lourdes, et directeur du camp Ekon. Après avoir animé la paroisse Saint-Pie-X à Saint-Jean (Terre-Neuve) jusqu’à sa fermeture en 2022, il travaille actuellement à la nouvelle paroisse jésuite, Divine Mercy.

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