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Décider de suivre un Basque têtu

Par Fannie Dionne

Parfois, le chemin que l’on croit suivre n’est pas celui qui nous mène vers nos désirs les plus profonds. C’est à une telle intersection que Justin Sauro s’est retrouvé. 

« Ma vie était décidée. J’avais étudié en sciences politiques pour rejoindre l’armée parce que je voulais aider les gens », se souvient Justin. Comme beaucoup, il cherchait à donner un sens à sa vie à travers des voies bien établies : carrière, service, discipline. Mais une pièce du puzzle manquait. « Au début, l’armée semblait être la réponse à mes aspirations. Je voulais être utile, et l’armée canadienne me semblait être un moyen de servir tout en acquérant une discipline rigoureuse. Mais plus j’y passais de temps, plus je me rendais compte que ce n’était pas ce que je voulais vraiment faire de ma vie. J’aimais les gens avec qui je travaillais, mais quelque chose d’essentiel manquait… C’était efficace, pragmatique, mais plus le temps passait, plus je voyais que ce n’était pas mon chemin. » 

« Au début, l’armée semblait être la réponse à mes aspirations. Mais plus j’y passais de temps, plus je me rendais compte que ce n’était pas ce que je voulais vraiment faire de ma vie. » 

Une communauté d’ouverture 

« Pendant la pandémie, j’ai contacté les jésuites pour une raison très égoïste », admet Justin. Ce qui est remarquable ici, ce n’est pas tant sa décision de continuer à explorer la vie avec les jésuites, mais plutôt la manière dont il a été accueilli, même avec des intentions initialement centrées sur lui-même. « Ils m’ont dit : “Tu sais quoi, on peut travailler avec ça. As-tu un accompagnateur spirituel ? Non ? On va te mettre en contact avec un accompagnateur et il va travailler avec toi à partir de là où tu es.” » 

C’était le moment de clarté pour Justin. « Au début de ma conversion au catholicisme, j’étais enflammé par cette nouvelle foi qui était devenue centrale dans ma vie. Mais je me suis vite rendu compte que je ne pouvais pas vivre cette foi pleinement dans un environnement aussi séculier que l’armée… Cette ouverture, cette honnêteté et cette confiance sont des qualités que beaucoup d’entre nous cherchent dans nos propres quêtes – qu’elles soient spirituelles, communautaires ou même professionnelles », ajoute-t-il. 

Le chemin vers soi-même 

Pour l’aider à cheminer, on a remis à Justin des textes, dont l’autobiographie d’Ignace de Loyola, qui le décourageait au départ, mais qui finalement lui a renvoyé son propre reflet et ses valeurs. « Je pensais qu’il était juste un Basque têtu, stupide et excessivement passionné ! Mais ce qui est drôle, c’est que quand j’ai regardé en moi-même, j’étais semblable à lui, plein de ferveur. Avec le temps, j’ai commencé à apprécier sa personnalité. Mais ce sont vraiment ses valeurs qui m’ont interpellé, notamment sa discipline et son pragmatisme. Si ça marche, faites-le ; si ça ne marche pas, laissez tomber et essayez autre chose. C’est de la compassion et de l’effacement de soi. » 

« Je pensais qu’il était juste un Basque têtu, stupide et excessivement passionné ! Mais ce qui est drôle, c’est que quand j’ai regardé en moi-même, j’étais semblable à lui, plein de ferveur. » 

Justin a finalement décidé de changer de chemin de vie et d’entrer au noviciat jésuite. Prendre une décision ne veut pas dire que la suite sera facile. Pour le novice, c’était le début d’un parcours en dents de scie, mais aussi de transformation intérieure. « La plupart des périodes vraiment difficiles étaient surtout dues au fait que je résistais aux changements. Bien sûr, il y a eu des difficultés interpersonnelles, mais avec le temps, on se rend compte que ces problèmes révèlent quelque chose sur soi que l’on doit faire évoluer. »  

Une autre difficulté consistait à accepter deux ans d’un nouveau style de vie très monastique, selon ses termes, et avec peu de latitude. « Tout l’emploi du temps est préétabli avec les prières, les cours, le travail. Pour des gens qui ont déjà l’habitude de s’organiser, c’est un peu frustrant d’être à nouveau sous la responsabilité de quelqu’un d’autre. » 

« Plusieurs fois, j’ai laissé la peur prendre la décision à ma place. Le noviciat est un bon endroit pour se pousser là où on n’aime pas aller ». Justin donne ce conseil, qui s’applique tant au noviciat que dans tout nouveau contexte ! 

Un pèlerinage de découverte 

Les novices jésuites sont envoyés un mois sur la route avec 60 dollars en poche. Justin avait choisi d’aller à Vancouver. Ce voyage a révélé ses faiblesses, mais lui a aussi fait vivre de grands moments dans les petites choses. Par exemple, les deux premiers jours, il a mendié à Montréal. « J’étais très cynique au début, mais c’était une expérience extraordinaire de voir la générosité des gens. Cent personnes peuvent passer, mais il suffit qu’une s’arrête et donne quelque chose, un sourire, et ça fait ta journée. » Il a pu partir à Toronto, où il a travaillé dans une paroisse quelques jours pour se rendre à Winnipeg. De là, il a fait du pouce vers Régina. « Après une heure, un camion s’est arrêté. J’ai apprécié l’interaction avec le camionneur, qui m’a avoué qu’il m’aurait détroussé il y a quelques années. »  

Cette dernière étape a encore révélé la générosité des gens. Accueilli dans une communauté jésuite, Justin a expliqué son pèlerinage lors d’une messe. « Puis le père jésuite a terminé sa messe et a simplement mentionné que si quelqu’un voulait m’aider, j’étais derrière. J’ai été inondé d’argent. Je voulais redonner le surplus, mais le père m’a dit de tout garder : “Les paroissiens t’ont confié cet argent et c’est ce que Dieu t’a donné.” Avec cela, j’ai pu aller jusqu’à Vancouver. » 

Alors qu’il vient de prononcer ses premiers vœux, Justin revient sur le noviciat comme un parcours difficile, mais il y a trouvé des moments de paix : « Par exemple, j’ai passé 15 minutes à caresser un chat errant. C’est dans un moment de joie et de prière que j’ai réalisé que les animaux avaient un lien avec moi et que la prière peut être beaucoup plus vaste que ce que l’on croit normalement. Ces petits moments, ces petites choses, m’ont donné de la joie et de l’espoir. » Bref, changer de vie n’est pas nécessairement facile, mais un regard vers le chemin cahoteux qu’on vient de traverser peut révéler des traits de lumière et de beauté, et une envie de continuer pour découvrir ce que la prochaine étape de la route réserve. 

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