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Marqué par la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté, notre monde révèle ses fractures : crises environnementales, inégalités sociales, morcellement communautaire. La sagesse de la tradition catholique, des Évangiles et jusqu’aux Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, offre de précieux conseils pour ces temps difficiles. Elle met l’accent sur le discernement, la créativité et le leadership afin d’aborder les enjeux du monde moderne. Trois anciens étudiants de Regis Collège illustrent ici la pertinence de ces pratiques spirituelles.
Le père jésuite John Dardis résume ce défi en soulignant l’actuel besoin pressant de discernement et de créativité. Pour lui, la tradition ignatienne, avec ses intuitions et ses conseils, nous incite à voir au-delà du tumulte immédiat, à observer en profondeur et à agir avec compassion et créativité. Cela constitue une approche essentielle pour les chrétiennes et les chrétiens qui cherchent à avoir une influence significative dans un monde qui se sent souvent brisé et blessé.
Pour John Dardis, la tradition ignatienne, avec ses intuitions et ses conseils, nous incite à voir au-delà du tumulte immédiat, à observer en profondeur et à agir avec compassion et créativité.
« Oui, commente sœur Elizabeth Davis, RSM, nous avons un monde brisé et blessé, et nous avons aussi des gens brisés et blessés. Nos habitudes mettent la Terre en danger et nous affectons lourdement la situation des plus pauvres autour de nous. » Elle insiste sur l’urgence de répondre avec compassion et de manière proactive aux défis auxquels sont confrontées l’humanité et la planète.
À celles et ceux qui veulent répondre, l’évolution de la société et de l’Église offre l’occasion de faire preuve de leadership et d’agir sur leur milieu. « Notre monde en évolution rapide appelle les leaders chrétiens à pratiquer le discernement, souligne le père Dardis. Nous ne pouvons pas continuer à agir comme il y a 40 ans ; nous sommes appelés à discerner et à ouvrir de nouvelles pistes. Nous devons être flexibles et créatifs. »
Au cœur de la volatilité, une vision porteuse d’espérance
On ne saurait surestimer l’importance de la théologie et de la tradition chrétienne aujourd’hui pour l’exercice du leadership tant au sein de l’Église que dans le monde. Véritable boussole pour naviguer à travers les complexités de la société moderne, la tradition ignatienne propose aux dirigeants des outils de sagesse pour faire traverser les périodes de turbulence à leur communauté.
Le cheminement vers la conversion et la transformation ne peut que bénéficier de l’apport de leaders bien formés. Le discernement et l’action préparent les individus à répondre aux besoins de leur monde sous le signe de la prière et de la compassion. Ce type de formation n’est pas un effort solitaire, mais communautaire, souligne sœur Davis : « Le document de synthèse du récent synode sur la synodalité utilise le mot “formation” 56 fois. Nous avons tous besoin de formation, et la formation doit se vivre ensemble. » Or pour nous engager dans ce processus, nous devons écouter en profondeur, nous ouvrir à des points de vue différents et cultiver notre liberté intérieure. L’héritage ignatien nous y invite. Le père Dardis le rappelle : « Ignace avait le don de voir la réalité dans sa beauté et sa fragilité, puis de se demander : qu’est-ce que Dieu essaie de faire dans cette situation. »
Noah MacDonald, doctorant anichinabé, fait écho au potentiel transformateur d’une éducation de ce calibre : « Nous sommes formés à faire de la théologie pour le bien et pour la communauté. » Ses mots saisissent l’essentiel de la mission de Regis College soit doter les futurs leaders de connaissances, mais aussi d’un sens profond du but à atteindre et de l’engagement au service du bien commun.
Président de Regis College, le père Gordon Rixon, SJ, explique ainsi le rôle de la théologie dans le monde d’aujourd’hui : « La théologie joue un rôle très important, car elle révèle un projet plus grand que n’importe quelle culture ou n’importe quelle langue. Comme éducateurs, nous cherchons à cultiver la capacité d’agir des personnes, leur capacité d’agir, en les accompagnant dans l’exploration de ces questions-là. Cette exploration est vitale, car elle aide les individus à s’orienter au milieu des divers contextes de croyances et de traditions qu’ils rencontrent. Cela leur permet de s’engager de manière réfléchie à l’égard des problèmes qui affectent leur vie et leur société. »
La boussole ignatienne
Le milieu d’apprentissage œcuménique et international de Regis College, à l’intérieur de la Toronto School of Theology de l’Université de Toronto, enrichit ce parcours éducatif. Avec les autres étudiants de St Michael’s College, les étudiants de Regis, issus de traditions diverses et de nombreux pays, apportent une grande richesse de perspectives et forment une communauté d’apprentissage hautement diversifiée. « Au cours de mes années ici, nous avons eu des étudiants de 56 pays différents. Ceux-ci ont su prendre contact et partagé avec les communautés locales », souligne le père Rixon pour illustrer comment le collège jette des ponts entre les cultures et les continents.
Le père Dardis fait état de la transformation qu’il a vécue : « J’ai grandi en Irlande, pays où un pourcentage élevé de la population est d’origine catholique. Pendant mes études à Regis, j’ai rencontré des personnes de différentes traditions chrétiennes et cela m’a interpelé à quitter ma zone de confort. » Cette rencontre avec la diversité n’est pas seulement intellectuelle. En effet, elle correspond à un engagement personnel profond envers la multiplicité des façons dont Dieu est adoré, dont la foi se comprend et s’incarne, et donc aussi envers une vision plus large et plus profonde du leadership.
Cette ouverture ne concerne pas seulement les différentes cultures, mais aussi les divers milieux dans lesquels elles s’incarnent, et elle se vit de bien des manières. M. Macdonald place le leadership autochtone pour la réconciliation au cœur de son travail, et il se sent soutenu dans son projet. « Les gens de Regis s’intéressent véritablement à mon travail et ils ont su me tendre la main. Ils ont même adopté une nouvelle politique pour m’aider à préparer ma thèse en invitant un aîné à faire partie de mon comité de supervision. »
Les conversations interdisciplinaires qu’a connues le père Rixon comme enseignant sont mutuellement enrichissantes. « Nous sommes devenus un espace de rencontre et cela rend possibles certaines de ces conversations. » Les conversations et la participation des étudiants sont importantes, car « la théologie ne prend vie que lorsqu’elle se fonde sur l’expérience. Et la théologie vivante rend un service important non seulement à l’Église, mais à toute la société ».
Les étudiants en conviennent. Sœur Davis a choisi Regis College pour étudier l’Ancien Testament et utiliser ce livre puissant afin de susciter la réconciliation et la guérison « dans la région du monde à laquelle elle a le privilège d’appartenir ». M. Macdonald est le premier canoniste autochtone au Canada. Il a choisi de faire son doctorat au collège, parce qu’« il existe un besoin évident de leadership autochtone au sein de l’Église. Et parce que Regis est en première ligne en matière d’éducation autochtone, de théologie catholique autochtone et de réconciliation au Canada, voire en Amérique du Nord ».
« Il existe un besoin évident de leadership autochtone au sein de l’Église. Et parce que Regis est en première ligne en matière d’éducation autochtone, de théologie catholique autochtone et de réconciliation au Canada. »
Le leadership en héritage
Puisque la formation est bien la clé, comme le soulignent le synode et le pape François, ces trois leaders se sentent équipés pour opérer un changement positif dans leur milieu. D’ailleurs, les anciens étudiants de Regis sont investis d’un mandat clair, rappelle sœur Davis : « Le privilège d’étudier à Regis devait être mis au service pour renforcer mon leadership dans le domaine où je m’engagerais. J’ai pris cela comme un défi, car je n’ai pas étudié l’Écriture par souci d’érudition, mais pour influencer l’Église et la société. » Et ce défi, elle l’a relevé au cours de toutes ses années d’enseignement universitaire et au cours de son mandat de présidente et de directrice générale du Centre des services de santé de Saint-Jean (Terre-Neuve). Ainsi, Regis a poussé le père Dardis à penser par-delà les frontières. « Ça m’a aussi aidé à ne pas avoir peur de mes propres faiblesses et à comprendre à quel point la vulnérabilité nous permet d’entrer en contact avec les autres. » Quant à M. Macdonald, il voit déjà comment sa formation en droit canonique recoupe ses études actuelles. En effet, pour lui « le collège offre du soutien et répond aux besoins de ses étudiants en leur donnant une formation théologique complète et bien équilibrée afin de former des leaders. Je sens qu’à bien des égards, Regis m’y prépare. Je ne m’attendais pas à apprendre à utiliser le droit pour défendre nos intérêts et promouvoir une Église catholique véritablement autochtone grâce à un savoir structurel fondamental. Et pourtant c’est ce que j’ai reçu ici ! »
« Le privilège d’étudier à Regis devait être mis au service pour renforcer mon leadership dans le domaine où je m’engagerais. »
Depuis 1930, 1917 étudiants ont fréquenté Regis College. À l’heure actuelle, le collège compte environ 140 étudiants.
Les anciens élèves de Regis travaillent en éducation, en recherche universitaire, en sciences, mais aussi dans les domaines de la justice sociale ou de l’écologie, en paroisse ou dans des aumôneries, dans le monde de la santé ou comme responsables ecclésiastiques, dans le milieu des affaires, du droit, de l’architecture, de la santé publique, etc.