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Par Philip Shano
Les Actes des apôtres racontent que la multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme. Saint Luc parle des débuts de la communauté chrétienne. Il nous dit que les fidèles vivaient tous ensemble et avaient tout en commun. Ce tableau de la première communauté paraît idyllique. D’autres passages du livre nuancent le portrait. Il y est question d’escarmouches, de tensions, de divisions politiques et de querelles d’égos. Les croyants se disputent pour savoir qui en est et qui n’en est pas, ou quel est le niveau de sainteté indispensable à l’exercice du ministère, et les différences culturelles deviennent facteurs d’affrontements.
La même tension se retrouve dans les épîtres du Nouveau Testament. La première Lettre de Paul aux Corinthiens le montre bien. Paul évoque les dissensions entre les fidèles : moi, je suis pour Paul, moi pour Apollos, moi pour Céphas, moi pour le Christ. Le Christ est-il donc divisé ?
Les tensions des premiers chrétiens perdurent de nos jours, avec nos désaccords sur l’inclusion et l’exclusion, le genre, la nature du leadership et les divisions au sein d’une même culture. Malgré tout, il y a des moments où les choses semblent s’arranger et où naît un semblant d’harmonie. Toute la communauté était unie. C’est possible, même aujourd’hui !
Toute la communauté était unie. C’est possible, même aujourd’hui !
La plupart des gens recherchent une expérience de communauté, un sentiment d’appartenance et d’inclusion ; personne ne veut être marginalisé ou être refoulé en dehors du cercle. Ce désir d’être en relation s’exprime de diverses manières, que ce soit dans les paroisses et les congrégations, dans les milieux éducatifs ou entre individus qui partagent un mode de vie commun. N’avons-nous pas toujours recherché la compagnie de personnes qui pensent comme nous ?
Le père John English, SJ, était un jésuite canadien particulièrement attentif à ce désir de faire communauté, en particulier chez les croyants. Il a développé cette vision en travaillant avec des individus et de petits groupes. Dans les années 1990, j’ai eu le privilège de collaborer avec John et d’autres personnes talentueuses, engagées avec lui dans le ministère des Exercices spirituels d’Ignace. John utilisait souvent cette formule : Jésus est mort comme individu, mais ressuscité comme communauté. L’expérience solitaire de la Croix a été suivie de la résurrection dans la communauté et de la « connexion ». Le Seigneur ressuscité apparaissait et encourageait celles et ceux qui avaient fait l’expérience de sa manifestation à aller le dire aux autres, à faire passer le message. C’est ainsi que la communauté chrétienne s’est répandue au fil des siècles.
John English a exploré la dynamique communautaire dans Spiritual Intimacy and Community: An Ignatian View of the Small Faith Community [Intimité spirituelle et communauté : une vision ignatienne de la petite communauté de foi]. Après avoir guidé les gens à travers les Exercices spirituels, il était convaincu que la dynamique ignatienne pouvait aider celles et ceux qui sont en quête de communauté. Le fruit de l’attention portée par John au discernement communautaire et à la construction des communautés croyantes se poursuit dans le travail des jésuites canadiens et de leurs partenaires. On le voit dans les communautés de vie chrétienne (CVX), et chaque fois que nous commençons une réunion communautaire ou en équipe apostolique lorsqu’on pose la question rituelle : dans quel état arrivez-vous à cette réunion ?
Jésus est mort comme individu, mais ressuscité comme communauté.
Lorsque saint Ignace nous fait prier sur la résurrection du Seigneur, il nous invite à considérer la fonction de consolateur qu’exerce le Christ, notre Seigneur, et à la comparer à la façon dont des amis se consolent mutuellement. C’est cette consolation qui suscite la communauté ; elle constitue l’un des fruits d’une communauté humaine authentique. À la manière des premiers chrétiens, les gens se passent le mot ; ainsi, ils parlent aux autres de la communauté consolante qu’ils ont trouvée et les invitent à venir voir. Ce que trouveront ces personnes en quête de communauté ne sera peut-être pas parfait, mais ce milieu leur offrira au moins un soutien dans un monde et une Église où nous nous sentons trop souvent aliénés et marginalisés.