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Journal d’une agnostique en retraite spirituelle

by Fannie Dionne

Adolescente, je suis allée seule en chaloupe sur le lac bordant le chalet familial. Là, j’ai ressenti une grande connexion avec l’eau, le ciel, la forêt tout autour. C’était un moment de repos, de calme et de lien avec plus grand que moi. 

Si je me souviens autant de cette expérience, c’est peut-être parce qu’une fois adulte, s’arrêter est devenu difficile, voire impossible. Enchaînant les projets, les emplois, la maîtrise et le doctorat avec un, puis deux enfants, j’ai oublié jusqu’au bruit du silence. J’avais certes envie de peser sur pause pour prendre un moment pour faire le point, mais la vie va à fast forward et je repoussais ce moment à plus tard, notamment parce que je ne savais pas comment faire, malgré un besoin de plus en plus pressant. Et aller chercher des outils dans une tradition religieuse? Comme j’avais (en silence) coupé toute appartenance au catholicisme en plein milieu d’une messe et que j’étais des plus sceptiques à l’égard de l’Église, l’idée ne m’avait jamais effleuré l’esprit. 

Comment en suis-je donc venue à écrire en ces pages? Excellente question! Pour faire une longue histoire courte, dans la dernière année de mon doctorat, j’ai dû me trouver une source de revenus. Une amie m’a alors envoyé une offre d’emploi en communications pour les Jésuites du Canada. Réticente, j’ai envoyé ma candidature à la dernière minute et j’ai été retenue. Plus stable financièrement, il reste que je suis dès lors passée d’occupée à très occupée. 

De quoi allais-je bien pouvoir discuter avec un accompagnateur spirituel, dans une maison de retraite? 

Il fallait, par exemple, que je m’initie à la spiritualité ignatienne, dont plusieurs valeurs actuelles rejoignaient les miennes. Mais quand mon patron m’a proposé d’aller dans une retraite de trois jours pour expérimenter ladite spiritualité, j’étais pour le moins sceptique et couverte de quelques sueurs froides. « Tu vas faire quoi, là? », me demandait mon entourage. « Excellente question », répondais-je, sans la moindre idée d’un début de réponse. De quoi allais-je bien pouvoir discuter avec un accompagnateur spirituel, dans une maison de retraite? Est-ce qu’on allait essayer de m’obliger à prier Dieu le Père? Qu’est-ce que ça mange en hiver, un retraitant? (En fait, en hiver et en été, ça mange très bien.) 

Comme quoi il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée! Et près de cinq ans plus tard, toujours pas catholique, j’attends quand même avec impatience de partir cinq jours en retraite ignatienne chaque été.  

J’avais peur de tomber sur un accompagnateur rigide et froid. Ce n’était pas le cas du père jésuite qui a accueilli avec écoute mes craintes et mes récriminations contre l’Église lors de ma première retraite. Mais j’ai particulièrement aimé m’ouvrir ensuite à des femmes et à une personne LGBTQ+ avec qui je pouvais échanger avec profondeur sur mon vécu.  

J’avais peur d’un cheminement déconnecté de ma réalité. Je ne me retrouvais pas dans la Bible ou les prières? Qu’à cela ne tienne, on m’a offert des textes qui parlent d’arbres, d’Amour, de relations; des textes qui résonnaient avec mon expérience. On me conseillait des pistes de réflexion à partir de ce qui avait résonné en moi. 

J’avais peur de rester enfermée avec la seule chapelle pour m’échapper de ma chambre. J’ai plutôt passé des heures sur des sentiers de parcs (me convainquant que même les maudits maringouins ont leur raison d’être sur terre) ou sur le bord de l’eau. J’ai aussi passé beaucoup de temps à dormir et à bouquiner.  

Mais surtout, j’ai enfin eu du temps pour moi. C’est… inestimable. Chaque année, je pose ma charge mentale aux portes de la maison de retraite, craignant de faire trembler le porche. Ne pas avoir à nettoyer, à cuisiner ou à planifier fait des miracles tant sur le corps que sur l’esprit! En dessous de la mère, l’employée, l’amie, la fille, la conjointe et le reste des étiquettes que suppose la vie en société, je me retrouve, moi.  

Mais surtout, j’ai enfin eu du temps pour moi. C’est… inestimable. 

Est-ce à dire que tout est égocentrique pendant ces journées? Oui, quand même. Mais me voyant offrir du temps et des outils pour reconnaître les joies de ma vie et les instants d’apprentissage, tout comme les parts d’ombre, j’apprends à mieux m’ouvrir aux autres. Je découvre que les relations sont ce qui me nourrit, j’établis mes limites, et je me ressource dans mon désir d’un monde plus juste pour les humains et la terre. Par exemple, avant la dernière retraite, je m’étais forcée à faire des démarches pour m’engager dans un mouvement écologique parce que je sentais que je le devais. Pendant la retraite, je me suis libérée (un peu) du stress de ne jamais en faire assez… et c’est avec le désir de m’impliquer que je me suis finalement engagée, à petits pas, dans le mouvement. 

C’est beau, très beau, ce qui sort de ces cinq jours, mais c’est aussi très dur. De se faire face sans compromis, tout comme d’apprendre à s’aimer et d’accepter ses blessures, est tout un exercice. Je suis devenue experte dans le repérage de boîtes de papiers mouchoirs. Mais même pleurer, ça fait du bien.  

Aux gens qui me demandent ce que j’aime de mon emploi, un peu atypique dans mon milieu, j’énumère plusieurs éléments… y compris ma semaine de retraite ! 

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