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Politicien, jésuite, et homme pour les autres : Jacques Couture

Par Frédéric Barriault
photos : Archives des jésuites au Canada

Le P. Jacques Couture, SJ

L’automne dernier, la Conférence jésuite du Canada et des États-Unis publiait Contemplation et action politique, un guide ignatien pour l’engagement citoyen, qui s’ouvre sur une interpellation du pape François rappelant qu’un « bon catholique » ne peut être indifférent aux luttes sociales et politiques. Étant moi-même issu de la mouvance du christianisme social, je n’ai eu de cesse de résister à l’idée voulant que la foi soit une affaire purement privée. Éthique, mystique et politique peuvent — et doivent — aller main dans la main.

La trajectoire de Jacques Couture est éloquente à cet égard. Elle est aussi typique des jésuites de la génération du Père général Pedro Arrupe (1907-1991), soucieux d’être hommes pour les autres qui s’engagent pour la justice afin de transformer les structures oppressives déshumanisant et écrasant les exclus. Cet engagement, enraciné dans la spiritualité ignatienne, se faisait au nom de ce qu’on appellera bientôt l’option préférentielle pour les pauvres.

Sa vie est un exemple d’intégration de l’éthique, du mysticisme et de la politique, de même que  de la contemplation dans l’action, afin de trouver Dieu en toutes choses, et ce, en se mettant au service des autres.

Un fils de notable

Né en 1929 dans la bonne bourgeoisie de la haute-ville de Québec, Jacques Couture se destine d’abord au droit. Jeune idéaliste attentif à la souffrance d’autrui, il découvre avec horreur la misère des quartiers ouvriers de la Basse-Ville. Du droit, il passe à l’étude du travail social, alors même qu’il discerne une vocation religieuse. À 18 ans, il entre chez les jésuites et entame sa formation. Envoyé à Taïwan pour étudier la langue chinoise, il rentre à Montréal en 1964, peu avant son ordination presbytérale.

Madagascar 1981-1995

Prêtre-ouvrier et militant progressiste

Cette année-là, il signe un article dans la revue Relations dans lequel il plaide en faveur d’une Église des pauvres, faisant ainsi écho aux appels en ce sens du pape Jean XXIII à l’ouverture du concile Vatican II. Il s’installe alors dans le quartier ouvrier de Saint-Henri à Montréal avec ses compagnons Julien Harvey et Rosaire Tremblay. Prêtre-ouvrier et animateur social, il travaille en usine et anime le Groupement familial ouvrier, dont la pédagogie s’inspire de celle du Voir-Juger-Agir et du discernement ignatien : « organiser des rencontres avec les gens, étudier les problèmes du milieu, unir les différentes catégories sociales, exercer des pressions, maintenir une série d’activités selon la même orientation ». À cette fin, il cofonde et coanime un Comité d’action politique avec des citoyens de Saint-Henri, lequel publie le journal L’Opinion ouvrière dont il est le rédacteur principal.

Madagascar

D’abord confiné à Saint-Henri, son engagement s’élargit bientôt à l’échelle du sud-ouest au sein de divers comités de citoyens et, enfin, à celle de la ville de Montréal, où il contribue à la fondation du Rassemblement des citoyens de Montréal, parti municipal de gauche opposé à la gouvernance autoritaire du maire Jean Drapeau. Cela attire l’attention de René Lévesque, qui lui propose de faire le saut en politique provinciale comme candidat péquiste.

Le 15 novembre 1976, il est élu député de la circonscription de Saint-Henri. Comme le veut le droit canonique, il est alors relevé de ses vœux religieux.

Du ministère presbytéral au ministère de l’Immigration

D’abord nommé ministre du Travail, Jacques Couture se voit ensuite confier le portefeuille de l’immigration, à l’heure de l’exode massif des boat people d’Asie du Sud-Est et de milliers de Latino-américains fuyant les juntes militaires. C’est dans ce contexte survolté que la Compagnie de Jésus crée le Service jésuite des réfugiés et que Jacques Couture devient le tout premier ministre de l’Immigration du Québec, où il contribue notamment à la normalisation du statut d’un grand nombre de demandeurs d’asile haïtiens fuyant les violences du régime de Duvalier.

Il facilite aussi l’arrivée de réfugiés vietnamiens et cambodgiens, chiliens et salvadoriens, et met en place les premiers programmes de parrainage et de francisation des immigrants.

Missionnaire et animateur social à… Madagascar    

Idéaliste un jour, idéaliste toujours. Arrivé en politique par souci du bien commun, il remet sa démission en 1980, avec le sentiment du devoir accompli.

Jésuite de cœur, il regagne la Compagnie de Jésus, toujours mû par le souci de servir, d’évangéliser et d’incarner en paroles et en actes l’option préférentielle pour les pauvres.

Août 2005 / Antananarive / monument en l’honneur de Jacques Couture, s.j. en face du Centre qu’il a fondé

Il devient peu après missionnaire dans le quartier d’Andohatapenaka, l’un des plus pauvres de Tananarive, capitale de Madagascar. Deuxième retour en milieu populaire pour Jacques Couture, où il est à la fois pasteur et animateur social, engagé en développement communautaire, jusqu’à sa mort prématurée en 1995, à 66 ans. Son authenticité, son dynamisme et son engagement ont laissé une empreinte durable dans le cœur et l’esprit des Malgaches.

Cet héritage est également bien vivant dans la Belle Province. De nombreux historiens ont exhumé sa mémoire et sa contribution au vivre-ensemble dans le Québec d’aujourd’hui. Un institut de recherche portant son nom a d’ailleurs été fondé en 2017 par la Teluq, qui remet annuellement un prix Jacques-Couture soulignant « la contribution exceptionnelle d’un Québécois qui, par son travail, son engagement ou ses publications, a permis de mieux faire connaître le Québec aux nouveaux arrivants ou de mieux faire comprendre aux gens d’ici le monde dans lequel ils vivent ».

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