Écoutez cette histoire:
Par Elise Gower
Quand j’étais petit, mon père livrait le quotidien de notre petite ville. À 4 heures du matin, il arpentait les rues du quartier bien avant que commence la journée des autres. Nous nous levions à son retour. C’était simplement « ce que papa faisait » : quelque chose d’ordinaire. Mais le samedi, c’était autre chose. Je me levais avec lui dans l’obscurité, j’emballais chaque journal et je m’engouffrais dans le coffre de notre Ford Escort pour m’en extirper plus rapidement : c’était la façon pour papa de créer une aventure. Extraordinaire !
Mais plus extraordinaire encore, c’était l’amour avec lequel mon père faisait ce métier. À chaque arrêt, il nommait l’abonné. Le plus souvent, il entrait au domicile de la personne et lui remettait le journal en mains propres. Plusieurs fois, il servait un café à un aîné ou m’incitait à lui demander s’il avait besoin de quelque chose. Jamais nous ne lancions le journal au hasard sur le porche de quelqu’un. C’étaient nos voisins. Je me souviens de ces tournées comme de ma première rencontre avec ce passage d’une prière de saint Ignace, « donner sans compter ». Un avant-goût de ce que c’est d’être « semblable au Christ ».
Le temps ordinaire de la liturgie
Le calendrier liturgique nous fait entrer dans le temps ordinaire : nous explorons la vie du Christ et notre appel à vivre les valeurs de l’Évangile. Imiter Jésus, c’est loin d’être ordinaire, mais c’est justement l’ordinaire de son humanité, sa dimension la plus tangible pour nous, qui nous permet d’essayer de nous identifier à lui. Néanmoins, l’imitation du Christ pourra nous sembler inaccessible tant que nous n’en aurons pas rencontré d’exemples dans notre entourage.
Le père Rob Brennan, SJ, a imité le Christ en tant qu’enseignant, mentor, ami, entraîneur et pasteur. Au fur et à mesure que je découvre sa vie, des images saisissantes de l’Évangile s’imposent à moi. En classe, où il se faisait une joie d’accompagner les élèves dans leur apprentissage, j’entends Jésus dire : « Laissez venir à moi les petits enfants. » Sur le terrain de sport, où il entraînait des équipes en suscitant l’entraide et en libérant le potentiel des jeunes, j‘entends Jésus appeler ses disciples en mobilisant les talents propres à chacun. Dans ses bureaux d’aumônier ou de président d’établissement, où il rencontrait étudiants, collègues et parents dans la joie et la souffrance, je sens Jésus sensible et empathique aux besoins qu’on lui présente. L’humour et l’intelligence du père Brennan évoquent pour moi les paraboles de Jésus. Et dans son ministère au sein de différentes communautés — l’Arche, la léproserie, les Alcooliques anonymes ou les Autochtones —, je vois le Christ guérir, aimer, briser les frontières.
Et dans son ministère au sein de différentes communautés — l’Arche, la léproserie, les Alcooliques anonymes ou les Autochtones —, je vois le Christ guérir, aimer, briser les frontières.
En entrevue, des étudiants ont interrogé le père Brennan sur l’influence de la Compagnie de Jésus. J’ai été conquis par ce qu’il a répondu après avoir cité les noms de quelques « vedettes » jésuites : « Ce sont là ceux dont les noms sont entrés dans les manuels d’histoire. Il y a beaucoup de jésuites dont les noms ne figurent pas dans les livres, mais qui ont sûrement accompli un travail formidable dans les paroisses ou les collèges. Combien d’anciens élèves apprécient l’éducation qu’ils ont reçue et voient dans leurs enseignants des gens qui ont fait quelque chose de vraiment formidable pour eux ? » Je suis convaincu que le père Brennan goûtait la présence du Christ au milieu de nous. En tout cas, c’est exactement comme cela que d’autres le décrivent.
« Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »
La constante disponibilité et la générosité du père Brennan demeurent légendaires. Le père Len Altilia, SJ, parle de lui comme du pasteur au sens plein du terme : présent et attentif à chaque étape sacramentelle (baptême, réconciliation, eucharistie, mariage, onction des malades) et prêt à bénir en tout temps. En écoutant et en lisant les témoignages de celles et ceux qui l’ont bien connu, je comprends qu’à ces moments-là, sa présence était un véritable cadeau et qu’il était toujours là. Pendant le récit de la Passion du Seigneur, à la messe du dimanche des Rameaux, nous entendons la foule chanter « hosanna », puis hurler : « crucifiez-le ! » C’est là, au cœur de notre vulnérabilité et de notre fragilité humaine, qu’apparaît Jésus. Pour le père Altilia, les vulnérabilités de Rob Brennan « ont ouvert son cœur encore plus largement aux souffrances des autres ». Les souffrances du Christ conduisent à la résurrection, à la vie nouvelle. En Rm 6, 4, Paul nous rappelle que nous sommes tous appelés par notre baptême à mourir et à ressusciter avec le Christ. Nous sommes invités à une vie nouvelle en contemplant le Christ du temps ordinaire. Et nous sommes aussi invités à le voir chez les gens ordinaires, comme chez le père Brennan.
La constante disponibilité et la générosité du père Brennan demeurent légendaires. Le père Len Altilia, SJ, parle de lui comme du pasteur au sens plein du terme.
En feuilletant les évangiles, l’expression « faire aux autres » revient constamment. Les gens se pressaient autour de Jésus, en quête de ce qu’il pourrait faire pour eux. Je me représente son attitude, avec en tête la formule que le père Attilia prête au père Brennan pour illustrer son charisme vécu : « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »
Ces mots traduisent notre appel extraordinaire à la communauté. « L’attention et la compassion peuvent faire mal. […] Mais lorsque vous faites preuve d’attention et de compassion, vous ne faites pas seulement quelque chose d’extraordinaire, vous devenez quelqu’un d’extraordinaire. »
Le chemin vers le Christ
« Quand je regarde en arrière, confiait le père Brennan aux étudiants, quand je vois tous les endroits où j’ai travaillé, toutes les personnes que j’ai connues, toutes les choses que j’ai réussies à faire… j’ai le sentiment d’avoir pratiquement vidé mon seau. » Il avait profondément conscience de marcher à la rencontre du Christ ; d’être en chemin. Pour les autres et avec les autres. Il avait réfléchi à une vision porteuse d’espérance pour l’école secondaire Loyola, à laquelle il aura consacré près de quarante ans. Répondre à un appel commun à la mission, notait-il, « c’est quelque chose d’important, et nous le faisons d’une manière vraiment ordinaire… ».
Dans votre vie, avez-vous rencontré des personnes ordinaires qui imitent le Christ ? À quels moments ordinaires avez-vous senti qu’on vous appelle ?
L’école secondaire Loyola
Fondée en 1896, l’école secondaire Loyola offre une éducation jésuite et catholique qui forme des étudiants intellectuellement compétents, religieux, aimants et engagés dans la promotion de la justice. Loyola accompagne des jeunes de tous horizons, croyances et traditions, cultive leurs talents uniques, nourrit la compassion et favorise un engagement actif dans la collectivité.