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Histoires

Aux yeux du monde, j’ai probablement l’air d’avoir reçu plus que ma part. J’ai un poste de cadre supérieur dans une entreprise de technologie à Toronto, je mène une vie confortable, entouré d’un groupe d’amis qui me soutiennent, et je fais du bénévolat à temps partiel dans ma paroisse.

Pour certains, cela pourra sembler une bonne vie dans le contexte de la société canadienne : faire le nécessaire, savoir s’amuser, donner un coup de main, sans se sentir vraiment rejoint par la profondeur de la douleur dans laquelle est plongé notre monde.

L’expérience de mon premier semestre au Regis College de Toronto, au Canada, m’en a fait prendre conscience : ni ma situation, ni mon argent, ni mon réseau de contacts ne m’apporteront la paix véritable si je ne les vis pas pour le plus grand bien des autres et en Dieu ; si je n’écoute pas Sa voix et si je n’adhère pas au projet du Christ.

Le « Projet du Christ » est une idée endossée par Pierre Teilhard de Chardin dans Le Milieu divin. Pour Teilhard, le plan de Dieu, ce n’est pas seulement que chaque être humain soit « sauvé », mais encore que nous tous, les humains, travaillant de concert comme communauté de corps et d’âmes, nous contribuions à l’œuvre créatrice d’un bien universel. Ce projet « englobe tout l’univers en évolution et il vise à ramener à Dieu la création (et nous tous en elle), pleinement conscients de notre origine divine et de notre destinée divine ».

Pour être plus précis, j’ai été touché par les situations d’injustice sociale qu’on nous a présentées en classe.

C’est ainsi que j’ai été bouleversé de découvrir la générosité de ceux et celles qui ont « le moins », telle Teresita de Jesús, une réfugiée guatémaltèque comme il y en a des milliers au Canada. (Non sans que naisse en moi, d’ailleurs, un sentiment de culpabilité non négligeable.) Comme tant d’autres, elle survit d’une paye à l’autre, s’esquinte à tenir deux boulots et subvient aux besoins de son fils. Si bien qu’elle a de quoi donner 30 $ par mois aux enfants sud-américains dans le besoin…

Le témoignage d’une adolescente autochtone, Shannen Koostachin, est aussi venu me chercher. « Le ministre (fédéral) nous a dit qu’il n’y avait pas d’argent pour notre école, mais j’ai regardé son bureau et je lui ai dit : je voudrais que notre école soit aussi bien que ça. »

Le cas de Shannen n’a rien d’exceptionnel : 40 % des élèves autochtones ne terminent pas leur secondaire et jusqu’à 20 % des adultes ont fait une tentative de suicide.

En fin de compte, le contenu du cours m’a aidé à prendre du recul et à me situer dans une réalité plus ample, à mesurer les problèmes causés par les grandes institutions et les super-systèmes. Mais j’ai aussi trouvé une lueur d’espoir. S’il est vrai que le mal systémique existe, il n’est pas moins vrai que notre travail peut donner des mains à la grâce systémique.

Une mission différente
Il n’y a pas si longtemps, un de mes collègues a passé une remarque qui n’a cessé de me hanter pendant nos cours. « Il est malheureux, disait-il, que certains des plus esprits les plus brillants de notre monde mettent leurs talents à résoudre certains des problèmes les moins importants. » Il parlait malheureusement du travail que lui et moi faisons en ce moment.

En plus de m’aider à acquérir de nouvelles habitudes, mon passage à Regis m’a fait prendre conscience de l’importance de la responsabilité qui m’incombe d’être un agent de changement et de contribuer à la guérison de notre monde. Comme le dit le cardinal Blase Cupich, la guérison et la réconciliation ne peuvent pas n’être que de belles paroles ou se cantonner dans certains secteurs de notre vie : elles doivent refléter notre engagement à travailler constamment pour la plus grande gloire du projet de Dieu.

Si je suis appelé à être un agent de guérison pour le bien de notre maison commune et de ceux qui s’y trouvent, quand et comment vivre cette vocation ? En d’autres mots, qu’est-ce que cela voudra dire pour moi de vivre au service des autres de tout mon cœur, de tout mon esprit, de tout mon corps et de toute mon âme ?

Je pars avec ces questions, en demandant au Seigneur la grâce d’y trouver des réponses sans trop de retard.

Pour citer Frederick Buechner, « l’endroit où Dieu t’appelle, c’est précisément là où se rencontrent ta joie profonde et la faim profonde de notre monde ».

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