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Par Erik Sorensen, SJ
Récemment, la Province jésuite du Canada a reçu une nouvelle de Rome : notre demande pour que les saints Jean de Brébeuf, Isaac Jogues et leurs compagnons soient nommés saints patrons de notre province a été approuvée.
Alors que je partageais cette nouvelle, beaucoup ont été surpris ; mes interlocuteurs pensaient que ces saints étaient déjà les patrons de notre province jésuite. Cependant, lorsque la nouvelle province jésuite du Canada a été créée en 2018, aucun saint patron n’a été nommé.
Après six ans d’existence, le provincial, avec ses conseillers, a décidé d’adresser une pétition à Rome pour que les martyrs canadiens soient nommés patrons de notre province. Ayant participé au processus de soumission de cette requête, je souhaite partager certaines de mes réflexions sur la pertinence de saint Jean de Brébeuf et de ses compagnons pour notre présence jésuite au Canada aujourd’hui.
En nommant les martyrs canadiens comme nos saints patrons, nous nous rappelons aussi, en tant que jésuites et partenaires, nos priorités apostoliques.
Le rôle des saints comme intercesseurs et compagnons
Le choix des martyrs canadiens comme patrons de notre province nous rappelle l’histoire des jésuites dans ce pays, qui s’étend sur plus de 400 ans. Nos saints patrons sont des jésuites qui ont appris à connaître à la fois cette terre, aujourd’hui appelée Canada, et ses divers peuples. Ces jésuites ont offert leur vie en martyrs par amour pour le Christ et pour les personnes auprès desquelles ils exerçaient leur ministère.
En tant que saints patrons, nous pouvons nous tourner vers eux d’une manière particulière et demander leur intercession et leur soutien continus pour notre ministère actuel. Dans Lumen Gentium, le Concile Vatican II nous rappelle que « Il est donc au plus haut point convenable que nous aimions ces amis et cohéritiers de Jésus Christ, nos frères aussi et nos insignes bienfaiteurs, que nous rendions à Dieu pour eux les grâces qui leur sont dues, « les invoquant avec ardeur, recourant à leurs prières, à leur secours et à leur aide pour obtenir de Dieu par son Fils Jésus Christ, notre Seigneur, notre seul Rédempteur et Sauveur, les bienfaits que nous désirons » ». (LG #50)
Ces jésuites qui se réjouissent maintenant avec Dieu continuent à être des compagnons pour nous dans notre pèlerinage. Nos liens avec ceux qui nous ont précédés ne sont pas rompus à la mort. Les saints du ciel continuent à marcher avec nous d’une manière réelle. Ils partagent tous nos espoirs, nos joies et nos luttes. Ils font partie de la grande diversité de nos partenaires dans la mission.
Marcher avec les marginalisés : une priorité jésuite
En nommant les martyrs canadiens comme nos saints patrons, nous nous rappelons aussi, en tant que jésuites et partenaires, nos priorités apostoliques. Notre document de planification apostolique, Pèlerins ensemble, et les Préférences apostoliques universelles de la Compagnie de Jésus parlent tous deux de la priorité de marcher ensemble avec les marginalisés.
Dans le contexte de notre province jésuite, les divers peuples autochtones de l’île de la Tortue font partie des groupes marginalisés avec lequel nous sommes appelés à marcher. Saint Jean de Brébeuf et les autres martyrs canadiens ont fait certains des premiers pas sur ce chemin.
Reconnaître l’héritage complexe du colonialisme
Lorsque nous nous penchons sur ce pèlerinage, inauguré par saint Jean de Brébeuf et ses compagnons, nous sommes très conscients des aspects négatifs et positifs de ce voyage. Par exemple, nous ne pouvons pas séparer les martyrs canadiens et leur ministère auprès des peuples autochtones du projet colonial plus large de leur époque. Un projet colonial qui continue d’ailleurs de laisser des cicatrices sur les peuples autochtones de l’île de la Tortue aujourd’hui. Cette histoire complexe nous apparaît plus clairement aujourd’hui, avec le recul.
En raison de la clarté de leur vision, dont ils jouissent aujourd’hui, et de ce que nous pouvons supposer être un désir de transformer leur héritage en un héritage rédempteur, les martyrs canadiens sont d’excellents intercesseurs pour notre voyage de réconciliation en cours.
Cependant, nous pouvons être sûrs que Jean de Brébeuf et ses compagnons, qui jouissent de la vision béatifique de Dieu, voient ces complexités de notre époque actuelle encore plus clairement que nous ne le faisons aujourd’hui. Dans le même ordre d’idées, le théologien Jeremy Bergen, dans son livre Ecclesial Repentance, nous rappelle que « Jésus-Christ et tous les saints sont unis dans la fange du scandale actuel et dans l’attente priante de la guérison ». En raison de la clarté de leur vision, dont ils jouissent aujourd’hui, et de ce que nous pouvons supposer être un désir de transformer leur héritage en un héritage rédempteur, les martyrs canadiens sont d’excellents intercesseurs pour notre voyage de réconciliation en cours.
Un ministère centré sur le Christ
En tant que saints patrons, les martyrs canadiens nous donnent l’exemple de placer le Christ au centre de notre vie. Leurs divers écrits, y compris leurs nombreuses lettres, témoignent de l’amour du Christ qui les animait et de leur souci pour les peuples auprès desquels ils exerçaient leur ministère. Quel que soit le domaine dans lequel nous exerçons notre ministère, l’exemple des martyrs canadiens peut nous offrir un exemple de la kénose, le don de soi, qui fait que notre ministère est centré sur Jésus. Leur exemple nous invite à embrasser nos divers ministères de manière prophétique. Les martyrs savaient où ce type d’amour prophétique les mènerait. Ils savaient que cet amour leur coûterait la vie. Isaac Jogues a écrit : « ibo et non redibo », je pars et je ne reviendrai pas.
La désignation de saint Jean de Brébeuf, d’Isaac Jogues et de leur compagnon comme patrons de la province jésuite du Canada est l’occasion de réfléchir à notre engagement en faveur d’une action prophétique vers les marginalisés. Je vous invite à vous joindre à moi pour demander à nos saints compagnons de route d’intercéder en notre faveur afin que nous ayons la force et le courage de nous donner plus pleinement dans l’amour et le service de Jésus dans et par ceux qui sont le plus dans le besoin.