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Synode, participation et inclusion dans l’Église : une entrevue avec le cardinal Michael Czerny, SJ

Le Cardinal Michael Czerny

Le 20 novembre 2021, le cardinal Michael Czerny, SJ, prononçait l’Allocution du Chancelier au Regis College de Toronto et recevait un doctorat honorifique en théologie. À l’occasion du passage au Canada du sous-secrétaire de la section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, nous lui avons demandé de nous expliquer le Synode sur la Synodalité qui vient d’être annoncé, le rôle des jésuites et de leurs collègues, et comment chacun dans l’Église est appelé à y participer.

Ce n’est donc pas une question de bas ou de haut, il s’agit de ce qu’est l’Église : le peuple de Dieu.

Pourquoi ce Synode adopte-t-il une approche plus communautaire que ceux qui l’ont précédé ?

Parce qu’à la Pentecôte, l’Église est née en tant que communauté. Cela donne à penser qu’une approche communautaire est vraiment le seul choix pour l’Église.

Mais comment favoriser une approche communautaire ? Voilà le défi.

Le cardinal Czerny avec des collaborateurs et d’autres personnes dans leur travail auprès des réfugiés.

Le Synode sur la synodalité reflète nos racines ; plus encore, c’est une grande prière et une grande recherche de la volonté de Dieu sur la manière d’être l’Église ou sur la manière dont l’Église peut le mieux exister et poursuivre sa mission dans le monde.

Pourquoi une approche de bas en haut ?

Vatican II a défini l’Église comme le peuple de Dieu. Ce n’est donc pas une question de bas ou de haut, il s’agit de ce qu’est l’Église : le peuple de Dieu. On attend de chaque membre qu’il ou elle participe ; ensuite, au sein de l’Église, certaines personnes sont appelées par Dieu et reconnues par la communauté pour jouer des rôles particuliers : ce sont les ministères, mot qui signifie service. Les ministres exercent les ministères, ils sont au service du peuple de Dieu, qui chemine à travers l’histoire vers le Royaume de Dieu.

L’Église n’est pas une démocratie ; le Synode est-il vraiment participatif ?

Le synode est participatif parce que tout le monde est invité à écouter et à parler. Et dans l’écoute comme dans la parole, la contribution de chacun est reconnue et valorisée.

Mais il ne s’agit pas d’opposer une opinion majoritaire à une opinion minoritaire. Pour nous qui sommes habitués à la politique électorale contemporaine, il n’est pas facile de dépasser l’idée que le vote est la seule façon de résoudre les débats et que l’opinion majoritaire doit l’emporter.

Comment l’Église pourra-t-elle entendre la voix de chacun, même celle des personnes qui sont plus en marge de la société ?

Ici, en Amérique du Nord, la famille ignatienne peut certainement nous aider à rejoindre ceux et celles qui sont en marge de la société.

Quand on a préparé le Synode de l’Amazonie, on a entendu 87 000 personnes : il est donc possible d’entendre beaucoup de monde. Ici, en Amérique du Nord, la famille ignatienne peut certainement nous aider à rejoindre ceux et celles qui sont en marge de la société, et peut-être surtout ceux et celles qui, pour une raison ou une autre, se sentent en dehors des frontières de l’Église, comme ceux et celles qui l’ont quittée, peut-être. Invitez-les à venir écouter et parler.

Par ailleurs, il ne faut pas croire que les réponses ne sont valables que s’il y a des masses de gens qui participent. Pour en revenir aux élections politiques, un faible taux de participation peut réduire la légitimité perçue du résultat. On pourrait craindre que le Synode soit déconsidéré s’il n’y avait que quelques personnes qui y participent. Mais un Synode n’est ni une élection ni un sondage d’opinion ; c’est un processus d’écoute, de parole et de discernement entre tous ceux et celles qui arrivent à y participer, et les taux de participation ne sont pas le barème le plus pertinent.

Donc, pour revenir à la question initiale, qui est très importante, comment les personnes à la périphérie de l’Église vont-elles se sentir invitées et impliquées ? Honnêtement, je ne sais pas comment cela va fonctionner ici, mais je pense que, si chaque personne qui est déjà impliquée d’une manière ou d’une autre tend la main à une seule autre personne et lui dit : « Pourquoi ne viendrais-tu pas ? », nous aurons certainement une bonne réponse.

Pensez-vous que la façon de procéder jésuite – par exemple, le discernement en commun – a pu et peut encore apporter quelque chose au processus synodal ?

Le discernement est un instrument très précieux pour la croissance spirituelle personnelle, et il est également valable, important et essentiel pour la croissance et le développement de la communauté. L’écoute partagée de l’Esprit Saint et la recherche de ce que l’Esprit Saint suggère sur un enjeu sont essentielles au processus synodal, et c’est une chose à laquelle notre tradition jésuite peut contribuer.

Tout le monde n’a pas fait l’expérience du discernement en commun, mais tous ceux et celles qui l’ont vécu peuvent apporter leur contribution. Chaque œuvre jésuite, chaque communauté jésuite peut être un lieu d’apprentissage et de préparation.

Ce que j’espère vraiment, c’est que chaque maison jésuite, chaque œuvre jésuite – en incluant les jésuites, les collègues laïcs et les autres religieux – mette ces dons au service du processus synodal. Sur le plan local et diocésain, j’espère qu’on n’attendra pas d’être invité à une grande réunion officielle, mais que les gens regarderont autour d’eux et se diront : « comment puis-je aider? comment pouvons-nous aider ? » Nous avons ces dons. Nous avons cette tradition. Nous avons ces moyens. Comment pouvons-nous aider la paroisse, le diocèse, la conférence épiscopale à se mettre en route et à cheminer de manière synodale ?

Le pape François dirige une réunion avec les représentants des conférences épiscopales du monde entier au Vatican, le 9 octobre 2021. Cette réunion a eu lieu alors que le Vatican lance le processus qui mènera à l’assemblée du Synode mondial des évêques en 2023. Le cardinal maltais Mario Grech, secrétaire général du Synode des évêques,(photo CNS/Paul Haring)

Quelles sont vos attentes en matière de synodalité ?

Ce que j’espère vraiment, c’est que chaque maison jésuite, chaque œuvre jésuite – en incluant les jésuites, les collègues laïcs et les autres religieux – mette ces dons au service du processus synodal.

J’espère qu’après le Synode de 2023, nous aurons de nous-mêmes comme Église une compréhension plus synodale, que nous verrons mieux que c’est ce que nous sommes : notre identité et notre manière d’être. Deuxièmement, j’espère qu’il y aura de plus en plus de personnes qui se sentiront à l’aise dans cette initiative, qu’on ne dira pas : « oh! c’est trop difficile, c’est déroutant », mais plutôt : « c’est important, c’est pertinent, c’est ce que je suis vraiment (un membre du peuple de Dieu, un chrétien catholique), c’est là que je dois m’engager. »

Mon espoir, c’est que nous aurons trouvé de nouveaux exemples de la façon dont l’Église peut être synodale dans une paroisse, dans un diocèse, dans tout un pays, voire sur un continent ou à l’échelle du monde. Par exemple, si une paroisse a dix mille dollars et qu’il y a de nombreux réfugiés pas très loin qui ont besoin d’aide, mais qu’il faut réparer le toit de l’église… quelle priorité choisir ? Il y a différentes façons de décider : si on le fait de manière synodale, alors ceux et celles qui participent à la vie paroissiale contribueront à la prise d’une décision qui, autant que nous le sachions, sera la volonté de Dieu pour nous.

L’un des grands fruits d’une telle approche synodale, c’est que les décisions sont prises dans la prière et reçues dans la paix, sans gagnants ni perdants.

Par Fannie Dionne

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