Écouter l’histoire:
Comme l’a récemment souligné le Provincial Jeffrey S. Burwell, SJ, les jésuites sont appelés à être courageux et spirituellement libres, notamment lorsque la Province doit prendre des décisions difficiles concernant l’avenir de ses institutions, comme un noviciat. Selon lui, saint Ignace voyait les fermetures ou ventes non comme une fin, mais « comme un changement vers le plus grand bien, en concentrant les ressources là où elles peuvent répondre aux besoins les plus importants. Il s’agit bien sûr d’un défi important, qui demande de l’audace, du courage et de la liberté spirituelle. »
C’est dans cet esprit que la résidence Pedro Arrupe, qui a été d’abord une maison de formation puis le noviciat des jésuites canadiens, sur la rue Gatineau à Montréal, a été mise en vente en 2024. Cette vente est un tournant qui peut être vécu comme un deuil, vu la relation de plusieurs jésuites avec le bâtiment lié à la formation des jésuites et vu les souvenirs qui y sont associés. Quant aux novices jésuites, leur formation se fait désormais en partie aux États-Unis et en partie au Canada afin qu’ils puissent vivre une vie communautaire, tout en acquérant une expérience du travail apostolique au Canada.
Selon le P. Oland, « tout d’abord, un noviciat jésuite est une expérience bien plus qu’un lieu.
L’histoire du noviciat Pedro Arrupe
La présence des jésuites dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, a débuté avec l’établissement du Collège Jean-de-Brébeuf en 1928 . En 1968, plus de 240 jésuites demeuraient dans le quartier, qu’ils soient étudiants de théologie, membres du personnel administratif ou encore professeurs. « La dernière des propriétés dont on avait fait l’acquisition en 1967, celle de la rue Gatineau, est devenue le noviciat de nos deux provinces du Canada français et du Canada anglais en 2008 », explique le P. Bernard Carrière, SJ. Avant cette date, les novices du Canada anglais faisaient leur noviciat aux États-Unis depuis plusieurs années et les Canadiens français à divers endroits à Montréal.
Cette mise en commun des ressources des deux provinces pour la création d’un seul noviciat s’est faite sous les provinciaux Jean-Marc Laporte (Canada anglais) et Daniel LeBlond (Canada français). C’est quelques années plus tard qu’une conversation impliquant les deux provinces sur la création d’une province canadienne a été entamée. « Nous pensions sérieusement déjà à rapprocher les deux provinces, avec un noviciat et des archives communes, ainsi que des réunions communes des deux consultes. Les novices de la province anglaise faisaient leur noviciat au Minnesota. La maison sur la rue Gatineau avait le nombre de chambres adéquat pour un noviciat commun, et elle était libre. Montréal est une ville où les deux langues du Canada sont en usage, ce qui favorise le bilinguisme de tous les novices, un objectif important », se rappelle le P. Jean-Marc Laporte, SJ. Selon lui, « d’une certaine façon c’était le retour des deux provinces à leur origine commune, car c’est ici [à Montréal] que la refondation de la mission du Canada a eu lieu après la suppression. »
Suivre saint Ignace même si c’est difficile
Le P. Erik Oland, SJ, provincial des Jésuites du Canada jusqu’en juillet 2024, souligne que la vente du bâtiment ayant hébergé le noviciat, qui amène plusieurs changements, a été une « décision difficile, tant personnelle que collective. » Pour le P. Oland lui-même, cela a été difficile à cause de ses liens avec l’endroit : « en plus d’être le premier directeur de noviciat là-bas, j’avais fait partie du groupe de discernement, commencé en 2007 entre les jésuites alors anglais et français du Canada, sur la possibilité d’un noviciat commun. »
Néanmoins, cette vente était le choix à faire si on considère le noviciat en tant qu’expérience. La principale considération était la question : qu’est-ce qu’un noviciat jésuite ? Selon le P. Oland, « tout d’abord, un noviciat jésuite est une expérience bien plus qu’un lieu. Cela est clair dans nos Constitutions, qui offrent une grande flexibilité quant à l’emplacement et au programme du noviciat en fonction des circonstances du moment. Par exemple, l’exigence canonique selon laquelle le novice passe au moins un an dans un lieu stable ne nécessite pas absolument un bâtiment de noviciat distinct ; de nombreux novices par le passé ont vécu dans une communauté jésuite apostolique sous la supervision d’un maître des novices. La réalité des dernières années nous a montré que nous n’avons plus le nombre de novices entrants pour maintenir une communauté de pairs qui est un élément intégral de la formation initiale des jésuites. »
Le noviciat continue autrement
Bien que difficile, la décision de vendre le noviciat était aussi pragmatique, tout comme saint Ignace l’était. « Dans cette optique, le déménagement vers l’avenue Gatineau était une décision pragmatique qui a bien fonctionné bien tant que nous avions le nombre de novices pour une communauté de taille saine », nuance le P. Oland. « Aujourd’hui, il est tout aussi pragmatique de partir et, pour l’instant, de nous saisir de l’occasion de donner à nos novices entrants un nombre décemment important de pairs dans une communauté aux États-Unis » – tout en assurant la formation des jésuites pour l’apostolat canadien.
Quant aux novices jésuites, leur formation se fait désormais en partie aux États-Unis et en partie au Canada afin qu’ils puissent vivre une vie communautaire, tout en acquérant une expérience du travail apostolique au Canada.
Préserver l’héritage du noviciat pour le futur
La bibliothèque du noviciat de la rue Gatineau est importante, et plusieurs actions sont entreprises pour la conserver au mieux. « Le déménagement, bien que nécessaire, se fera avec diligence et soin », a assuré le P. Burwell. Le Provincial s’assure donc que les livres importants soient sauvegardés, notamment dans la Bibliothèque des jésuites (située au Collège Jean-de-Brébeuf), par des jésuites et par la Maison Provinciale.