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En décembre dernier, Kevin Kelly, SJ, et Gilles Mongeau, SJ, ont représenté la Province canadienne à Rome, à la Planification apostolique pour le renouveau et la transformation 2023, session dirigée par le père John Dardis, SJ, conseiller général pour le discernement et la planification apostolique. Des jésuites et des partenaires laïcs de toutes les conférences et provinces s’étaient réunis pour cet événement, étape clé de tout le projet de renouveau au sein de la Compagnie de Jésus, afin d’en retirer un éclairage et un savoir-faire pratique sur les enjeux liés à la planification apostolique.
Dans notre Province, le document de planification apostolique fondé sur les PAU s’intitule Pèlerins ensemble, « ressource pour nous aider à discerner les attitudes et les chemins de conversion qui nous permettront de mieux participer à la mission du Christ au Canada, où que nous soyons, quelle que soit notre œuvre, quelle que soit notre situation personnelle », explique le père Mongeau. Chaque année, le Provincial « offre aussi à la province un reflet de ce qu’il a entendu, de ce que lui ont dit ceux qui sont engagés sur le terrain, de ce qu’ont partagé les supérieurs et directeurs d’œuvre à l’automne, et la consultation élargie en janvier. Nous rassemblons tout ça pour procéder à un examen ignatien, pour voir où nous en sommes sur le chemin de la conversion. »
Nous sommes déjà engagés sur la voie de la planification apostolique, mais il faut aller plus loin. Le père Kelly explique ici l’importance de la rencontre à Rome pour la Province du Canada et d’Haïti. « Ce style de planification, résume-t-il, consiste avant tout à observer comment le discernement se transforme à mesure que les données deviennent disponibles et que sont prises de premières décisions » : il ne cesse d’évoluer.
Comment va notre Province en matière de planification apostolique ?
Cette rencontre nous aurait bien rendu service au Canada, il y a deux ans, quand nous travaillions à notre plan apostolique Pèlerins ensemble, mais elle reste encore très utile au point où nous en sommes dans notre planification. Nous nous situons probablement dans le peloton de tête : plusieurs pays se trouvent là où nous en sommes, certains sont légèrement plus avancés que nous, d’autres finissent à peine leur plan et le reste en est encore à la planification. On retrouvait donc à Rome des situations très variées : de l’élaboration du plan à sa mise en œuvre en passant par les dernières retouches au plan avant de l’appliquer.
Qu’avez-vous appris? Quel est le plus important ?
Pour moi qui viens du monde des affaires, les processus de planification sont monnaie courante. Mais même dans le monde des affaires, il faut évoluer : le changement est si rapide qu’on ne peut plus bâtir de plans stratégiques sur 5 ou 10 ans. Le monde évolue trop vite et les plans de ce genre deviennent obsolètes.
La grande peur chez les jésuites qui participaient à la session, c’était que ces plans apostoliques, comme c’est arrivé dans le passé, aboutissent sur une tablette et ne servent jamais vraiment. Mais la rencontre nous a tous aidés à réaliser que ces plans sont dynamiques. Loin d’être un devis définitif et immuable, ils sous-tendent plutôt un processus dans lequel le discernement continue de faire évoluer le plan, en fonction de l’orientation et de la vision, à mesure que se prennent des décisions. Il nous faut donc constamment revoir le plan, le réévaluer et éventuellement le modifier en avançant. Nous gardons toujours en tête le long terme, mais notre façon d’y arriver ne cesse d’évoluer.
Mais la rencontre nous a tous aidés à réaliser que ces plans sont dynamiques. Loin d’être un devis définitif et immuable, ils sous-tendent plutôt un processus dans lequel le discernement continue de faire évoluer le plan, en fonction de l’orientation et de la vision, à mesure que se prennent des décisions.
Je trouve tout cela très consolant. Si la planification apostolique semble une nouveauté pour certaines de nos œuvres, les éléments constitutifs du discernement, la réévaluation et la prise de décisions en cours de route n’ont rien de nouveau. C’est tout simplement du bon discernement !
Pour vous qui venez du monde des affaires, quelle est la différence entre la planification stratégique et la planification apostolique ?
La planification apostolique intègre bon nombre des principes de la planification stratégique. Mais elle est ancrée spirituellement au moment de discerner et de prendre des décisions. Et le processus ne s’arrête pas : les décisions prises produisent de nouvelles données à intégrer à la prochaine étape du discernement. C’est très intégré. Le défi consiste à rester bien concret, à aider les apostolats et les régions à prendre des décisions, à les faire approuver par le Provincial, puis à les appliquer et à en tirer des leçons.
À la lumière de la session, que pensez-vous de Pèlerins ensemble ?
Nous avons un très bon plan. Pèlerins ensemble propose une vision claire, une façon de travailler en tant que collaborateurs dans la mission, et il expose en quoi les priorités émanent des Préférences apostoliques universelles et comment nous comptons les intégrer à la Province du Canada et d’Haïti. La rencontre à Rome a confirmé de manière remarquable les étapes déjà franchies.
Je pense que nous voyons déjà évoluer Pèlerins ensemble. Le prochain pas, et ce n’est rien de vraiment nouveau puisque ça émerge de ce qui existe déjà, c’est l’étape des décisions stratégiques. Plus précisément au niveau de nos commissions comme la Commission sur la spiritualité, la Commission sur l’enseignement supérieur, la Commission sur la pastorale. Il s’agit de travailler, d’appliquer les principes, de planifier et de formuler nos recommandations et notre vision commune au Provincial pour qu’il fasse des choix. Mais ça fait justement partie du travail que nous faisons, c’est complètement intégré au processus.
À bien des égards, la rencontre avait pour but de montrer que la planification apostolique et les choix et les activités que nous faisons sont une seule et même chose. Comment s’alimentent-elles les unes les autres ? Il s’agit d’un va-et-vient entre planification et discernement. Quand une décision est prise, nous la mettons en œuvre et, en l’appliquant, nous apprenons des choses qui peuvent nous amener à modifier notre plan ou notre vision. Nous sommes toujours en train d’apprendre de ce que nous faisons, ce qui fait évoluer notre façon d’avancer. La vision de Pèlerins ensemble est une proposition à long terme.
Je pense que nous voyons déjà évoluer Pèlerins ensemble. Le prochain pas, et ce n’est rien de vraiment nouveau puisque ça émerge de ce qui existe déjà, c’est l’étape des décisions stratégiques.
Quelles sont les prochaines étapes et les priorités ?
Avant tout, les communautés jésuites. Il nous faut regarder comment les jésuites vivent ensemble et travaillent ensemble à travers la province. Cela pourra vouloir dire une réduction du nombre de communautés. Nous avons besoin de prier et discerner davantage sur nos structures communautaires.
Deuxièmement, les barèmes : comment allons-nous évaluer les changements et les pas que nous faisons ? Comment allons-nous les mesurer ? Et qu’est-ce que nous allons réexaminer et modifier à la lumière de ces évaluations ? Les réponses à ces questions demandent à être approfondies.
Troisièmement, ce serait le travail en région. Erik Oland et Gilles Mongeau ont évoqué la possibilité d’une plus grande collaboration à l’échelle régionale : dans la région francophone, par exemple, entre Ottawa, Montréal et Québec. Comment travaillons-nous, pas seulement avec l’apostolat spirituel, avec l’éducation, ou avec la justice sociale, mais ensemble pour répondre aux besoins de toutes les personnes que nous servons ? Il nous faut donc creuser l’appropriation, différente dans chaque région, de Pèlerins ensemble. Cela demande un peu plus de discernement et d’expérience, mais encore une fois, nous avançons dans la bonne direction.
Enfin, le quatrième volet serait une planification de la pastorale des vocations. Il se fait beaucoup de bonnes choses, mais nous devons intégrer plus profondément à la planification la pastorale des vocations. Quelles sont les étapes concrètes de notre planification pour les vocations ?
L’idée des liens à l’intérieur de la conférence est vraiment importante, en plus de la vie communautaire, de la vie régionale, des critères d’évaluation et de la pastorale des vocations. Que pouvons-nous apprendre des autres provinces de la conférence, et que pouvons-nous leur apporter ? Est-ce que nous communiquons sur la planification apostolique à l’échelle de la conférence ? Ce sont là les principaux enjeux.
La rencontre de Rome a été la première dans l’histoire de la Compagnie à porter sur la planification apostolique. J’espère qu’il y aura régulièrement des réunions de cette nature, peut-être tous les 2 ou 3 ans. J’aimerais aussi voir ce genre de planification se concrétiser au niveau de la conférence.
En fait, il nous faut collaborer. C’est pourquoi il était si utile de rencontrer des religieux et des laïcs de différentes provinces. L’esprit de collaboration était formidable. Dans la province aussi, nous avons besoin de collaborer plus étroitement.
