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Histoires

Le 27 mars, au Newman Centre de l’université McGill, a eu lieu le lancement d’un livre consacré à la décolonisation de nos relations avec les peuples autochtones, préalable à une réconciliation avec ceux-ci. Notre collaborateur Frédéric Barriault a pris part à ce lancement. Il nous partage ses impressions sur ce livre et cette soirée.

Pour bon nombre de catholiques et de Canadiens, les travaux de la Commission de vérité et réconciliation ont eu l’effet d’un électrochoc. Plusieurs d’entre eux ont alors pris toute la mesure des effets toxiques et pervers de plusieurs siècles de colonialisme, tout comme du génocide culturel perpétré dans les pensionnats autochtones. D’où la multiplication des demandes d’excuses adressés à l’Église catholique à ce sujet, de même qu’envers les puissances coloniales. Diverses initiatives de réconciliation ont aussi été déployées au cours des dernières années par diverses communautés religieuses à travers le pays: pensons ici au Pèlerinage canadien en canot des jésuites du Canada.

Or, il faudra tôt ou tard faire un pas de plus, c’est-à-dire travailler à la décolonisation de notre Église – et de notre pays. Les demandes d’excuses et démarches de réconciliation devront aussi s’accompagner d’une transformation profonde et radicale des injustices et des inégalités à l’œuvre dans notre Église mais aussi dans la société canadienne dans son ensemble. Car, il faut bien le dire, les séquelles du colonialisme sont encore bien présentes au Québec et au Canada. « Les inégalités qui séparent les peuples autochtones du reste de la population illustrent avec force cette situation. Les Premières Nations, les Métis et les Inuit demeurent, si l’on se fie aux plus récentes données disponibles, désavantagés à tous points de vue par rapport aux non-Autochtones », lisait-on dans une étude publiée en janvier 2018 par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques.

Un livre pour paver la voie à la réconciliation avec les peuples autochtones

Issu d’un colloque tenu en novembre 2016 au Center for World Catholicism and Intercultural Theology de l’Université DePaul de Chicago, en partenariat avec la Catholic Theological Union, The Church and the Indigenous Peoples in the Americas pave la voie à une telle décolonisation des relations entre l’Église et les peuples autochtones. Braquant ses projecteurs sur l’ensemble du continent américain, ce livre donne la parole à des théologiens issus des peuples autochtones, de même qu’à des prêtres et des intervenants pastoraux exerçant leur ministère auprès des Premières Nations, des Métis et des Inuit. Les diverses contributions à ce volume révèlent l’ampleur des blessures infligées aux Autochtones par l’Église et les États coloniaux au fil des siècles. Ce livre demeure néanmoins pétri pour un horizon d’espérance, plusieurs auteurs autochtones « confessant » leur attachement à la foi chrétienne et à l’Église, en dépit de ces blessures encore mal cicatrisées. On peut également y lire diverses réflexions tâchant de bâtir des ponts entre foi catholique et spiritualités autochtones traditionnelles. D’autres textes invitent l’Église et les catholiques à décoloniser leur théologie et leurs pratiques ecclésiales. Mais aussi à dénoncer la racisme, les injustices et les inégalités qui continuent d’accabler les premiers peuples des Amériques.

 

Un lancement sous le signe du dialogue

Le lancement du livre a eu lieu au Newman Centre, l’aumônerie catholique de l’université McGill, en présence du coordonnateur de ce volume, le théologien canadien Michel Andraos, professeur à la Catholic Theolgical Union et membre du comité consultatif du Jesuit Forum sur la réconciliation avec les peuples autochtones. Le professeur Andraos a discuté de ce livre avec Christine Zachary-Deom, ancienne cheffe du Conseil mohawk de Kahnawake, et Brian McDonough, chargé de cours à l’université Concordia, ex-directeur de l’Office de la pastorale sociale de l’archidiocèse de Montréal et auteur d’un texte publié dans ce livre sur la Commission de vérité et réconciliation.

Un cercle de parole a ensuite été animé par le jésuite John Meehan SJ, d’abord avec les trois invités, ensuite avec les personnes ayant pris part à ce lancement, qu’ils fussent fussent croyants ou agnostiques, chrétiens ou traditionalistes, Autochtones ou Allochtones, Canadiens de naissance ou immigrants arrivés au pays plus récemment.

En dépit de leurs désaccords, les personnes présentes ont dialogué avec respect, dans une ambiance marquée par le silence, le recueillement, l’écoute, l’ouverture et le souci de la réconciliation fraternelle.

Quelques extraits du livre

 «Le racisme est systémique dans notre société, notre éducation, notre système politique, notre système d’immigration, nos Églises, nos soins de santé, notre système judiciaire, et ainsi de suite. Ce que ce racisme nous inflige [en tant qu’Autochtones] est extrêmement violent. Il nous diminue; il continue de nous imposer le système colonial qui nous a été imposé par les colons, et nous reproche de ne pas nous plier aux demandes sociales nous contraignant à nous conformer aux modes de vie et à la vision coloniale de notre propre pays».

 – Sœur Eva Solomon, CSJ (p.46)

 «Fort heureusement, la mentalité ayant rendu possible une telle violence spirituelle n’est désormais plus acceptable dans de nombreux milieux catholiques. Ainsi, en 2009, à l’occasion de la Journée nationale de reconnaissance, marquant le premier anniversaire des excuses adressées [aux peuples autochtones] par le premier ministre Stephen Harper, le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Mgr Paul-André Durocher, a pris part à la traditionnelle cérémonie du lever du soleil avec des aînés et des chefs autochtones».

– Brian McDonough (p.65)

«En raison de cette histoire et de ces réalités, un processus de décolonisation doit avoir lieu tant au sein de l’Église que de la société. La décolonisation nous invite à faire preuve d’humilité et à retisser, sur de nouvelles bases, nos relations avec les peuples autochtones. Cela suppose d’abandonner nos privilèges d’hommes blancs – et les rapports de pouvoir qui leur sont associés – de même que nos comportements eurocentriques».

 – Mgr Sylvain Lavoie, OMI (p.92)

 «Le processus de guérison de la mémoire ne saurait être uniquement le lot des victimes, lesquelles composent encore avec les séquelles d’une histoire toxique; il s’adresse aussi aux agresseurs qui doivent à leur tour verbaliser, accepter et tirer des leçons de leur complicité dans la destruction des modes de vie des Autochtones, et tâcher d’obtenir le pardon de celles et ceux qu’ils ont maltraité. Lorsque ces blessures mémorielles auront été reconnues et affrontées, nous pourrons mieux discerner les contours de ce qui doit être fait pour que justice soit rendue»

– P. Robert Schreiter, CPPS

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