A l’écoute du buisson ardent au cœur du monde… et de soi-même.
Durant la fin de semaine du 20 – 23 juin 2014, 10 personnes, dont une famille avec ses deux enfants de 6 mois et 2 ans, ont logé dans les salles de catéchèse de l’Église Notre-Dame de Lévis pour y vivre des Exercices spirituels dans la rue. Concrètement, le matin les participants étaient envoyés avec des pistes de méditation et des textes de M. Delbrel dans les rues de Québec ou de Lévis. À leur retour le soir, après le souper, ils partageaient ensemble les fruits de leur journée. Ce furent trois jours intenses inspirés par la rencontre de Moïse au buisson ardent. Ainsi, comme Moïse au désert, en se laissant touché par ce qu’ils vivaient dans la rue, les participants ont été invités à trouver le buisson ardent qui brûlait dans leur cœur sans les consumer. Faire ce détour, c’était sortir de ce qui est programmé à l’avance pour se laisser réordonner à l’essentiel. Ce buisson ardent devenait alors le signe que le lieu où ils se trouvaient dans les rues de Québec était leur Terre Sainte. Le lieu, pour eux, d’une rencontre en vérité au cœur du monde avec eux-mêmes, les autres et/ou Dieu. Une rencontre de Dieu libératrice en passant par la Porte Sainte, du frère en osant aller prendre un repas à la soupe populaire de la Maison Mère-Mallet, ou de soi-même en se rendant attentif aux blessures et désirs profonds portés en soi. Sur ce chemin, les participants étaient encore invités à se défaire leurs sandales. C’était une manière de signifier qu’en ce lieu, en cette Terre Sainte, ils n’avaient plus besoin des nombreuses protections érigées dans leur vie telles que le besoin d’être continuellement dans l’action, le besoin de se sentir «spéciale», la fuite devant soi-même, etc. Enfin, cette Terre Sainte était le lieu d’où chaque participant pouvait faire monter le cri qu’il désirait adresser à Yahvé à l’exemple du cri du peuple hébreux en esclavage en Égypte. Le geste du lavement des pieds entre les participants est venu clore la démarche en signe d’action de grâce pour tous les dons reçus durant ces trois jours.
Témoignages
«Les Exercices spirituels dans les rues de Québec auront un impact déterminant dans ma vie. Le moment et l’endroit où j’ai accompli cette démarche sont significatifs. Je me suis découverte avec mes forces et mes faiblesses. Le dosage parfait des interventions de notre accompagnateur Yves y a beaucoup contribué!» Paule.
«Attirée par la spiritualité de Saint-Ignace, j’ai décidé de participer aux exercices spirituels dans la rue car le programme laisse beaucoup de place au silence et à la liberté intérieure. Mais en fait, j’ignorais totalement ce qui m’attendait : Apprendre à découvrir Dieu dans le quotidien; s’exercer à demeurer à l’écoute de Dieu qui se veut proche de chacun et chacune de nous. À travers nos partages, notre accompagnateur, Yves, savait par ses interventions ouvrir nos fenêtres intérieures encore plus grandes. Pourtant, ces fenêtres n’étaient jamais les mêmes d’une personne à l’autre. Ces fenêtres s’inséraient dans un parcours de vie et c’est dans ce parcours que la Lumière pénétrait. Une Lumière chaude, éclairante et apaisante qui modifie notre regard pour la vie. Un peu comme le photographe qui par son éclairage dévoile la beauté de ses images, cette Lumière dévoile la Beauté du quotidien. Trois jours intenses d’exercices qui se font habituellement sur huit jours. Si intense, que je me demandais comment on pouvait suivre ainsi durant huit jours. Toutefois, sept jours plus tard, je souhaite qu’il me soit donné de vivre une session de huit jours.
Merci Yves et merci à mes compagnes avec qui j’ai vécu la plus belle et la plus fructueuse retraite de ma vie.» Francine
Textes de Madeleine Delbrel qui ont accompagné les participants.
Le nouveau jour (M. Delbrel, Alcide, p. 97)
Un jour de plus commence.
Jésus en moi veut le vivre. Il ne s’est pas enfermé.
Il a marché parmi les hommes.
Avec moi il est parmi les hommes d’aujourd’hui.
Il va rencontrer
chacun de ceux qui entreront dans la maison,
chacun de ceux que je croiserai dans la rue,
d’autres riches que ceux de son temps,
d’autres pauvres,
d’autres savants et d’autres ignorants,
d’autres petits et d’autres vieillards,
d’autres saints et d’autres pécheurs,
d’autres valides et d’autres infirmes.
Tous seront ceux qu’il est venu chercher.
Chacun, celui qu’il est venu sauver.
A ceux qui me parleront,
il aura quelque chose à répondre;
A ceux qui manqueront,
il aura quelque chose à donner.
Chacun existera pour lui comme s’il était seul.
Dans le bruit il aura son silence à vivre.
Dans le tumulte, sa paix à mouvoir.
Jésus en tout n’a pas cessé d’être le Fils.
En moi il veut rester lié au Père.
Doucement lié, dans chaque seconde,
balancé sur chaque seconde
comme un liège sur l’eau.
Doux comme un agneau
devant chaque volonté de son Père.
Tout sera permis dans le jour qui va venir,
tout sera permis et demandera que je dise oui.
Le monde où il me laisse pour y être avec moi
ne peut m’empêcher d’être avec Dieu;
comme un enfant porté sur les bras de sa mère
n’est pas moins avec elle
parce qu’elle marche dans la foule.
Jésus, partout, n’a cessé d’être envoyé.
Nous ne pouvons pas faire que nous ne soyons,
à chaque instant,
les envoyés de Dieu au monde.
Jésus en nous ne cesse pas d’être envoyé,
au long de ce jour qui commence,
à toute l’humanité, de notre temps, de tous les temps,
de ma ville et du monde entier.
A travers les proches frères
qu’il nous fera servir, aimer, sauver,
des vagues de sa charité partiront
jusqu’au bout du monde,
iront jusqu’à la fin des temps.
Béni soit ce nouveau jour, qui est Noël pour la terre,
puisqu’en moi jésus veut le vivre encore.
Partout où nous sommes (M. Delbrel, Alcide, p. 105)
La solitude, ô mon Dieu,
ce n’est pas que nous soyons seul,
c’est que vous soyez là,
car en face de vous tout devient mort
ou tout devient vous.
A quoi nous servirait d’aller au bout de la terre
pour trouver un désert ?
A quoi nous servirait d’entrer entre des murs
qui nous sépareraient du monde,
puisque vous n’y serez pas davantage
que dans ce fracas de machines,
que dans cette foule aux cent visages?
Sommes-nous assez enfants
pour penser que tous ces gens rassemblés
sont assez g rands, assez importants, assez vivants
pour nous boucher l’horizon
quand nous regardons vers vous.
Être seul,
ce n’est pas avoir dépassé les hommes,
ou les a voir laissés.
Être seul,
c’est savoir que vous êtes grand, ô mon Dieu,
que seul vous êtes grand,
et qu’il n’y a pas une considérable différence
entre l’immensité des grains de sable et l’immensité
des vies humaines rassemblées.
La différence, elle n’abîme pas la solitude,
car ce qui les rend, ces vies humaines, plus visibles
aux yeux de notre âme, plus présentes,
c’est cette communication qu’elles ont de vous,
c’est leur prodigieuse ressemblance
au seul qui soit.
C’est comme une frange de vous et cette frange
ne blesse pas la solitude.
Savoir une seule fois dans la vie que seul vous êtes !
Avoir une seule fois rencontré
– et cela, peut-être, dans un véritable désert –
le buisson qui brûlait sans se détruire ;
le buisson de celui qui a instauré en nous
et pour toujours
la solitude.
Moïse, quand il l’a une seule fois rencontré,
l’ineffable buisson,
a pu revenir chez les hommes
portant en lui un inaltérable désert.
Ainsi de nous,
ne reprochons pas au monde,
ne reprochons pas à la vie
de voiler pour nous la face de Dieu.
Cette face, trouvons-la,
c’est elle qui voilera,
qui absorbera toutes choses.
Laissons nos enfantillages.
Le bois qui brûle dans le feu n’a cure du paysage.
Nous habitons un prodigieux brasier.
S’il ne nous brûle pas,
c’est que nos pieds sont à côté,
ce n’est pas la faute au décor.
Qu’importe notre lieu dans le monde,
qu’importe s’il est peuplé ou dépeuplé,
partout nous sommes « Dieu avec nous »,
partout nous sommes des Emmanuel.
Pauvreté de celui qui va (M. Delbrel, Alcide, p. 65)
Il ne peut pas ne pas aller,
celui que votre esprit lie à vous.
Nous nous imaginons toujours que pour aller,
il faut des routes, des étapes, des pays qui changent.
Or, votre voie, ce n’est pas ça.
C’est la vie, tout simplement.
La vie qui coule,
et dans laquelle nous allons
si nos amarres sont levées.
Un jour, j’ai rencontré dans une de nos rues,
une rue de banlieue
qui n’avait vraiment rien d’héroïque,
un homme
dont j’aurais cru volontiers
qu’il était un ange de passage,
et qui n’était en réalité qu’un pauvre gars
pensionnaire à l’hospice.
Mais cet homme que j’ai vu passer
m’a expliqué et, mieux que beaucoup de livres,
m’a démontré
ce que c’est, la véritable pauvreté
de celui qui doit aller, léger, dépossédé,
dans votre esprit.
Il avait des vêtements très ordinaires
des vêtements qu’on ne remarquait pas.
es yeux regardaient droit devant lui ,
avec une limpidité qui se communiquait aux choses.
La rue entière en était rajeunie,
et semblait exister pour la première fois.
II ne portait rien dans ses mains.
Ses poches étaient plates et semblaient légères
et ses deux mains étaient ouvertes
et flottaient dans l’air autour de lui.
Peut-être était-il un peu fou.
Et pourtant il était comme une leçon de sagesse.
Tout son travail semblait d’aller,
de passer parmi les choses et les hommes.
Il était à lui seul comme une parabole,
comme un signal de véritable pauvreté.
« Car, si vous aimez seulement
ceux qui vous aiment » …
vous n’aurez pas besoin d’aller …
ils viendront à vous.
Mais si vous aimez ceux qui ne vous aiment pas …
Il faudra tout le temps marcher à leur rencontre.
C’est la pauvreté de celui qui va.
C’est inouï le nombre de choses qui nous empêchent
d’être agiles, d’être légers.
On ne s’en rend pas compte, mais
Si du jour au lendemain, nous étions dépossédés,
nous nous trouverions voisiner spontanément
avec tout un tas de gens
qui nous paraissent habiter au bout du monde.
Moi, monsieur, c’est par saint Thomas
que j’ai compris qu’après tout
Dieu était peut-être vraisemblable.
Mais qui me dit que pour vous
saint Thomas, ce n’est pas le plus ennuyeux,
le plus incompréhensible des maîtres?
Moi, monsieur, ma religion,
elle est inséparable de cette morale si sage
qui a bâti cette belle famille dont je suis.
Mais qui me dit que votre famille à vous
n’a pas été bâtie du tout et que,
si vous voulez bien aimer Jésus-Christ,
après tout rien au monde
ne pourra jamais vous faire aimer une morale ?
Moi, monsieur, l’Église est pour moi inséparable
de cette saine politique.
Mais qui me dit que vous n’avez pour l’anarchie
une irrésistible pente de votre cœur ?
A qui veut rencontrer à l’aise ces frères disparates
dont le monde est peuplé,
il faut une royale indifférence pour tout ce qui
n’est pas cette foi dénudée, essentielle,
qui lui fait perdre la mémoire et les goûts,
et sa propre originalité.
Cette foi qui nous rend banals
de cette grande banalité
que tous les saints ont acceptée,
et qui les a conduits jusqu’au bout de la terre.
Car c’est un prix exorbitant, le prix de la pauvreté.
Elle s’achète du sacrifice de tout ce qui n’est pas
le royaume des cieux.
Alors, nous trouverons
intéressant tout ce qui intéresse les autres,
et vertueux des héroïsmes
qui ne nous ont pas attirés,
et fraternels des gens
qui ne nous ont jamais ressemblé.
Alors, ceux qui nous rencontreront sur leur chemin
tendront des mains avides d’un trésor
qui jaillira de nous;
d’un trésor libéré de nos vases de terre,
de nos paniers bariolés,
de nos malles, de nos bagages,
d’un trésor simplement divin, qui sera à la mode
de tous,
car il aura cessé d’être habillé à notre mode.
Alors nous serons agiles et devenus à notre tour
des paraboles,
parabole de la perle unique,
minuscule, ronde et précieuse,
pour laquelle on a tout vendu.
Source : https://gebetswache.wordpress.com/2014/06/24/3-jours-intenses-a-quebec/