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« Christina, fais ta déclaration d’impôts » : une vie nouvelle, un pas à la fois

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Par MegAnne Liebsch 

À l’une des heures les plus sombres de sa vie, Christina Pinnavaria s’est tournée vers la prière. « Étendue sur le sol, je levai les yeux au ciel en implorant : Seigneur, si tu avais une chose à me dire à ce moment-ci, une seule, ce serait quoi ? » La réponse la fit éclater de rire. 

« L’idée qui m’est venue, se souvient-elle, c’est : Christina, fais ta déclaration d’impôts. » 

Un conseil fiscal était loin d’être la réponse qu’elle attendait; elle n’en a pas moins reconnu le bien-fondé. Jeune adulte aux prises avec un problème de santé mentale et d’alcoolisme, elle se sentait dépassée par l’effort monumental à faire pour changer de vie.  

Un pas à la fois  

« Je pense que le vrai message que j’ai reçu, c’est qu’il n’est pas nécessaire de tout faire le jour même, explique madame Pinnavaria. Il n’est pas nécessaire d’arriver tout de suite au sommet. Il suffit de s’attaquer à de petites choses pour que la situation commence à s’améliorer. » 

Le monde lui paraissait écrasant, et la confiance, un luxe qu’elle estimait ne pas pouvoir s’offrir, surtout après avoir grandi avec une mère atteinte de troubles mentaux. Partout où elle se tournait, elle était confrontée à des histoires de dépendance, de traumatisme et de souffrances semblables aux siennes. Mais au milieu des ténèbres, une lueur d’espoir est apparue. 

Cette étincelle allait déclencher un itinéraire spirituel qui a aidé madame Pinnavaria à devenir sobre. Pendant cette période, on l’a invitée à participer à une retraite organisée par Spiritual Transformation in Recovery (transformation spirituelle en contexte de rétablissement/STIR), un programme de spiritualité conçu pour les personnes qui se remettent d’une dépendance ou qui sont sans domicile fixe.  

« Je n’étais plus qu’une coquille vide », confie-t-elle. Même si madame Pinnavaria était sobre et bien qu’elle eût suivi une thérapie à l’époque, elle avait encore du mal à faire confiance aux gens. Cette difficulté à établir des contacts, elle l’attribuait à sa relation difficile avec sa mère. Mais au cours de son parcours, elle a rencontré des femmes qui partageaient des histoires de dépendance et de traumatismes semblables aux siennes. Grâce à leurs encouragements, elle s’est peu à peu ouverte.  

« Le fait de faire partie d’une communauté de soutien m’a donné la confiance nécessaire pour parler de Dieu et de mon histoire, explique-t-elle. C’est déjà une guérison en soi de pouvoir parler librement et de ne pas avoir peur. » 

Mais au cours de son parcours, elle a rencontré des femmes qui partageaient des histoires de dépendance et de traumatismes semblables aux siennes. Grâce à leurs encouragements, elle s’est peu à peu ouverte.  

Agir sur la crise invisible 

Selon un rapport de Statistique Canada datant de 2021, il y a plus de 235 000 personnes sont en situation d’itinérance chaque année au Canada. Les moins de 40 ans représentent une proportion croissante des personnes en situation d’itinérance au Canada; un fait que les chercheurs attribuent au prix des logements, à l’instabilité de l’emploi, aux maladies mentales et à la toxicomanie. Intensifiés par la pandémie de coronavirus, ces besoins croissants ont submergé les organisations de services sociaux qui s’efforcent de répondre aux besoins immédiats des personnes qui vivent dans la rue. Les services de santé mentale et d’accompagnement spirituel passent donc entre les mailles du filet. 

« Dans notre société, nous ne voulons pas de sans-abri dans nos rues, dans nos parcs, explique sœur Maureen Baldwin, coordinatrice de STIR Toronto. Il s’agit donc de savoir où ils peuvent aller et comment les aider à se réapproprier leur vie. Comment les remettre sur les rails ? » 

STIR s’efforce de combler cette lacune dans les services d’assistance en offrant non seulement un espace de guérison et de réflexion, mais aussi un lieu où les gens sentent qu’ils sont importants. 

Histoires partagées, guérison partagée 

« Ce ministère est axé sur le rétablissement de la personne, explique sœur Baldwin. Il ne s’agit pas seulement de se relever de la dépendance. Il s’agit de réintégrer la personne dans la communauté, dans une vie active et viable. » 

Les retraites sont essentielles au rétablissement, car elles favorisent un espace de rencontre et d’accompagnement profond. Les retraites STIR se déroulent avec l’aide de bénévoles, dont des prêtres ou pasteurs qui ont une formation professionnelle, des religieux et des diplômés de STIR. Toutefois sœur Baldwin insiste sur le fait que lors d’une retraite, il n’y a ni experts ni observateurs. Tous les bénévoles participent aux réflexions sur le même pied.  

« Il n’y a personne qui n’ait jamais vécu de traumatisme, explique-t-elle. Toutes nos histoires se rejoignent, quelles qu’elles soient. C’est toujours et encore le récit de la souffrance, de la guérison, du retour à la vie, de la reconquête de nous-même de différentes manières et sous différentes formes. C’est la vie. » 

« Mes problèmes de santé mentale provenaient en grande partie du fait que je refoulais tout à l’intérieur et que j’avais l’impression de ne pas avoir de voix, explique madame Pinnavaria. J’ai eu l’occasion de m’exprimer et de faire preuve de force. » 

Madame Pinnavaria a également trouvé une profonde camaraderie auprès des femmes. Après avoir hésité à nouer des relations étroites avec des femmes en raison de sa relation difficile avec sa mère, elle chérit aujourd’hui les amitiés qu’elle a développées lors des retraites STIR pour femmes. « C’est venu combler un vide en moi, dit-elle. Ces femmes ne sont pas ma mère, mais elles agissent comme des figures maternelles pour moi et me guident. » 

Les espaces réservés aux femmes sont essentiels à la guérison, ajoute madame Pinnavaria, d’autant plus que nombre d’entre elles ont subi des violences sexuelles ou domestiques en plus de sombrer dans la dépendance.   

Les retraitantes disent souvent à sœur Baldwin qu’elles n’ont jamais raconté leur histoire à cause de la stigmatisation liée à la toxicomanie et à la violence domestique. Il est donc essentiel d’offrir aux gens une vraie possibilité de se raconter, un lieu où ils ne se contentent pas de raconter leur histoire mais où ils écoutent celles des autres et forgent ainsi des liens profonds. « Ce à quoi nous assistons est très puissant, explique sœur Baldwin : c’est une libération des esprits. » 

Des voix libératrices 

Après avoir participé aux retraites STIR pendant plusieurs années, madame Pinnavaria vient de terminer sa formation d’animatrice bénévole. Elle envisage maintenant d’utiliser sa voix et son histoire pour soutenir d’autres personnes dans leur processus de guérison.  

« Si je partage un peu de vulnérabilité, je m’aperçois que cela se répercute sur les autres », confie-t-elle. Pendant la formation, elle a été surprise par la manière dont les retraitantes ont réagi à la façon dont elle avait osé se raconter. Dans les jours suivant les retraites, elle recevait des courriels où on la remerciait d’avoir partagé son histoire. 

« Nous nous disons qu’il faudrait avoir vécu quelque chose d’extraordinaire pour avoir un impact sur les gens. Cela m’a vraiment touchée de voir qu’en partageant ce que j’ai vécu, je pouvais aider les gens à retrouver leur vie spirituelle, explique madame Pinnavaria. Cela m’a aidée à me rapprocher de ma propre spiritualité; après tout, mon histoire devrait me suffire, n’est-ce pas ? »  

STIR - FR

Les principaux programmes de Spiritual Transformation in Recovery (STIR) comprennent des cercles de réflexion mensuels et des retraites de trois jours. Associant la démarche des 12 étapes à la réflexion spirituelle ignatienne, STIR fournit aux personnes des outils spirituels pour guérir les traumatismes passés, nourrir leur vie intérieure et remodeler leur avenir. Le projet est affilié à l’Ignatian Spirituality Program. Celui-ci est basé aux États-Unis et est coparrainé par les Jésuites du Canada, la Congrégation de Notre-Dame, les Sœurs de Saint-Joseph, l’Institut de la Bienheureuse Vierge Marie (IBVM), les Rédemptoristes du Canada et les Sœurs du Service social du Canada. 

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