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Histoires

Par Jean Francky Guerrier, SJ  


En mai dernier, lors de notre visite en Haïti, nous avons rencontré « Dodo », un petit garçon de quatre ans qui s’est précipité vers nous à notre arrivée à l’école du Centre éducatif de Bedou. Il nous a pris la main et nous a dit en créole : « Viens avec moi. » Au milieu d’une pauvreté incroyable, Dodo dégageait une joie contagieuse. La poigne de sa menotte irradiait l’espoir d’un avenir meilleur. Mon directeur, Scott McMaster, et moi-même faisions un voyage apostolique. Dodo est élevé par sa mère, âgée de 21 ans; celle-ci était la meilleure étudiante de l’école lorsqu’elle a mis au monde ce bébé. Leur résilience et leur détermination témoignent de l’esprit de la communauté haïtienne. Dodo et sa mère avancent sur la voie d’un avenir meilleur, voie dans laquelle les jésuites et les sœurs de Notre-Dame sont honorés de jouer un rôle. L’éducation et le soutien que reçoivent les enfants et leur famille contribuent à leur donner un sentiment d’autonomie dans la vie. La grossesse précoce de la mère n’a pas entamé sa foi en un avenir meilleur, foi dans laquelle Dodo joue un rôle important. 

Jésuite haïtien d’une trentaine d’années, je trouve dans l’histoire de Dodo le reflet vivant des enseignements transformateurs de Jésus dont j’ai le privilège d’être le témoin. J’entends dans l’invitation de Jésus à ses premiers disciples un appel personnel. Mes rêves et mes prières pour Haïti deviennent mon travail ; celui-ci ne consiste pas à imposer un chemin, mais à accompagner des personnes dans leur cheminement unique de croissance et de transformation spirituelle. Ce travail s’enracine dans la spiritualité ignatienne qui nous invite à aimer Dieu dans toutes ses créatures et à accorder une attention privilégiée à celles et ceux qui sont marginalisés et dans le plus grand besoin. 

Ce travail s’enracine dans la spiritualité ignatienne qui nous invite à aimer Dieu dans toutes ses créatures. 


Les récits de l’Évangile relatent les rencontres de Jésus avec des personnes de toutes origines, souvent socialement mises à l’écart. Ses rencontres avec Nicodème, la Samaritaine, les lépreux, l’homme riche, Bartimée, Zachée, etc., sont autant d’occasions d’enseignements et de transformations décisives. Chaque fois, une relation se développe ; elle s’exprime par des paroles, des gestes, des émotions et des sentiments; personne n’en sort indemne, chacun se trouve transformé et renouvelé. Les personnes que rencontre Jésus vivent ce que le Nouveau Testament appelle une metanoia, une conversion transformatrice, un changement profond qui amorce un nouveau parcours de croissance et de transformation spirituelle. Or Jésus invite les disciples qui l’accompagnent dans son périple missionnaire à porter le même regard sur les personnes qu’ils rencontrent 

« Ignace et tous ceux qui sont appelés à ce service apprennent à être des compagnons dans la peine avec le Christ dans son ministère… Comme lui est présent, nous aussi voulons être présents, en solidarité et avec compassion, là où la famille humaine est le plus mal traitée » (CG 34, décret 2). Cet appel urgent nous renvoie à la situation actuelle : Haïti est un pays dévasté, abandonné, à genoux et dont les habitants peinent grandement à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Depuis plusieurs années, le peuple haïtien est victime de circonstances sans précédent avec l’accumulation de catastrophes naturelles, d’insécurité et de violence collective.  

Cette visite en Haïti avec Scott McMaster, directeur du Bureau de développement des Jésuites du Canada, a permis de constater que malgré l’insécurité, la pauvreté grandissante et bien d’autres maux, le peuple haïtien est profondément en quête de sens, d’expressions qui inspirent la vie et de rencontres qui suscitent la joie. Nous avons eu la chance de visiter des écoles et d’autres apostolats jésuites dans le nord-est du pays, en particulier à Ouanaminthe. Nous avons été inspirés et émus par les histoires et les sourires de tant d’enfants qui, malgré les difficultés et la complexité de la situation, nous apprennent à mieux espérer contre toute espérance.   

Je vois en eux « des anges vivant dans un contexte infernal ». Dodo et les autres visages que j’ai en tête, les personnes avec lesquelles j’ai eu des conversations plus profondes, celles que j’ai croisées sur la route, ont renforcé ma vocation et mon appel à être un compagnon de Jésus-Christ. Comme la Syro-Phénicienne dans l’Évangile de Marc, qui, par son acte de foi, incite Jésus à poser sur elle un regard miséricordieux, la foi et l’humilité des personnes que j’ai rencontrées m’appellent à une conversion du cœur et de l’esprit. Je comprends que Jésus n’a pas seulement rencontré les pauvres, les marginaux et les exclus, mais qu’il est resté avec eux et qu’il est présent dans leur vie, leurs sourires et leurs histoires. La joie de Dodo, par exemple, est l’expression de la présence du Crucifié et du Ressuscité.  

Je suis né en Haïti et mon expérience me fait réaliser que chaque Haïtien, par sa joie, sa patience, sa résilience, sa « volonté de puissance », injecte la beauté de Dieu dans le chaos et la laideur d’Haïti. 

À travers cette expérience transformatrice, je vois dans la situation actuelle d’Haïti la beauté de Dieu au milieu de la laideur. Haïti, c’est le mystère de la Croix, la racine même de la foi chrétienne, puisqu’elle évoque la crucifixion du Christ pour la rédemption de l’humanité. L’affliction du Christ sur la croix exprime la beauté de Dieu parce que le Christ embrasse la laideur et la transforme en beauté. Jésus embrasse la mort et permet à la beauté de Dieu de se manifester dans la vie de chacune des personnes qu’il rencontre. Je suis né en Haïti et mon expérience me fait réaliser que chaque Haïtien, par sa joie, sa patience, sa résilience, sa « volonté de puissance », injecte la beauté de Dieu dans le chaos et la laideur d’Haïti. Tous ces enfants, qui font chaque jour plusieurs kilomètres à pied sur des routes de montagne dangereuses pour aller à l’école et qui sont très assidus dans leurs études, nous disent que le péché et la mort n’auront pas le dernier mot. La lumière de la résurrection qui transforme la laideur en beauté resplendit en Haïti. Concrètement, cela se fait par l’éducation et le soutien à l’éducation. C’est ce qui permettra à la prochaine génération de prendre les mesures qui s’imposent pour créer le changement. Sans éducation, les chances de changement sont pratiquement nulles. 

N’hésitez pas à vous associer à notre mission pour que davantage d’enfants comme Dodo puissent poursuivre leur chemin vers un avenir meilleur, malgré la précarité de leur situation actuelle. 

Lire le plaidoyer pour Haïti

 

 

 

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