Les Archives des jésuites au Canada conservent des manuscrits, cartes, photographies, œuvres d’art, livres et documents divers qui témoignent des activités de la Compagnie de Jésus au Canada depuis 1611 jusqu’à aujourd’hui. Gardiennes de la mémoire collective des jésuites canadiens, leur vocation est d’éclairer le passé et d’appuyer l’administration courante de la Province jésuite.
Theresa Rowat, directrice, explique comment les Archives des jésuites au Canada servent non seulement aux chercheurs, mais aussi à l’administration de la Province ainsi qu’aux œuvres jésuites.
Quel est le rôle des archives exactement? Qu’y retrouve-t-on?
Nous sommes le dépôt officiel pour les documents archivistiques et le patrimoine de la Province du Canada.
Les documents administratifs qui ne sont plus nécessaires au fonctionnement actuel sont versés ici et nous faisons une évaluation archivistique pour savoir quoi conserver. Il faut choisir ce qui a une valeur évidentielle juridique, une valeur sur le plan du patrimoine des jésuites ainsi que ce qui sera utile pour les chercheurs.
Les œuvres apostoliques négocient avec nous à savoir si nous serons le dépôt officiel de leurs archives ou non.
Nous conservons notamment celles du Canadian Jesuits International. Nous avons aussi les archives d’autres œuvres qui ne sont pas directement jésuites, comme celles de la Communauté de vie chrétienne et Christian Life Community, étant donné leurs relations avec la Compagnie de Jésus et parce que c’est pertinent pour l’énoncé de notre mission comme il s’agit d’une œuvre ignatienne.
Nous sommes également le dépôt officiel des fonds d’archive des jésuites décédés. Comme les jésuites n’ont pas de biens, c’est la communauté qui en est propriétaire. Normalement, on a plusieurs versements de la part des jésuites particuliers. Par exemple, quand un jésuite quitte un poste, il a des boîtes de documents qu’il va verser aux archives. Ceux qui donnent des retraites par exemple ont leurs guides, leurs notes, leurs homélies, mais aussi de la correspondance personnelle et officielle. Lors du décès d’un jésuite, le supérieur compile ses documents et les transmet aux archives.
Qui peut consulter les documents des archives?
Normalement, les documents administratifs sont accessibles à l’administration, pour la continuité de gestion de la Province.
Les documents personnels d’un jésuite sont quant à eux fermés aux chercheurs pour 30 ans après son décès. Cependant, s’il s’agit d’un versement fait pendant sa vie, le jésuite peut désigner certains documents comme étant immédiatement ouverts, par exemple sa recherche scientifique ou encore les publications et les documents diffusés dans le contexte de son engagement dans certaines questions d’intérêt publique. Une autre question d’accessibilité concerne la protection personnelle des tierces personnes. Si le jésuite était professeur dans un collège, s’il a des notes des étudiants, ce sont des renseignements personnels des étudiants et ils ne sont pas disponibles aux chercheurs.
Ça prend une évaluation pour savoir quoi conserver et ne pas divulguer des renseignements confidentiels. Sinon, comme des archives publiques, nous sommes accessibles à tous : l’accès demeure la raison d’être.
Avez-vous des exemples où les archives ont été sollicitées par une œuvre ou l’administration jésuite?
Souvent, quand il s’agit d’anniversaires, on travaille avec les œuvres apostoliques. Par exemple, pour le 75e anniversaire de Relations, on a collaboré avec le Centre justice et foi et l’équipe de Relations afin de monter une exposition à l’UQAM et à l’entrée de la maison Bellarmin.
L’administration de la Province des Jésuites du Canada exige fréquemment certains documents fondateurs, accords et contrats. Par exemple, pour soutenir la préparation du projet du Nouveau Gesù, les archivistes ont récupéré des plans, des documents de propriété et toute une série de documents concernant les décisions précédentes à ce sujet.
Est-ce que les jésuites collaborent au travail des archives?
L’équipe des archives est composée de laïcs. Nous avons des compétences professionnelles, mais pas toutes les compétences des jésuites. On souhaite donc favoriser le travail en équipe avec les jésuites, comme c’était le cas avec le P. Monet, historien émérite. Actuellement, le rôle de Spécialiste en résidence est attribué au P. Jean-Marc Laporte.
Puisqu’il faut élaguer et ne conserver que ce qui est pertinent (du point de vue légal, pour le patrimoine, pour les chercheurs), ce travail est toujours fait en collaboration avec un jésuite.
Un autre exemple: quand nous avons fait l’exposition sur les jésuites en Chine, c’était le P. Marcil qui nous a aidés avec le mandarin classique, car je n’ai pas de compétences dans cette langue! À un autre moment, des chercheurs voulaient consulter les contrats concernant des terrains en Chine. Le P. Marcil a encore une fois validé que ce que nous avions était pertinent. Cela a été utile en Chine pour certaines restaurations de terres ou de bâtiments.
Comment envisagez-vous l’appropriation des Préférences apostoliques universelles?
Pour cibler les priorités et déterminer où on va mettre nos ressources, nous allons suivre les PAU et les priorités de la Province.
Il y a quelques années, la Province du Canada-anglais a ciblé la réconciliation avec les Premières nations comme priorité. C’est pourquoi nous favorisons toujours la numérisation des documents des langues autochtones et l’appui aux chercheurs s’il s’agit des activités à propos de l’histoire autochtone.
Par exemple, nous avons un partenariat avec la société généalogique Kawatsi :re à Akwasasné. Les membres sont venus les samedis pour effectuer leurs recherches personnelles à propos de leur famille. Nous avons également eu un projet de numérisation et de transcription des registres de la mission à Akwasasné, Saint-Regis, pour aider la société généalogique. L’idée de réconciliation demeure notre priorité.
Nous travaillons aussi avec des chercheurs hurons-wendat à Wendake. L’équipe de chercheurs est en train de regarder systématiquement tous les documents du fonds du Collège Sainte-Marie, les documents du P. Félix Martin, pour évaluer eux-mêmes ce qui est pertinent pour leur histoire. Souvent dans le catalogage les mots-clés sont des mots intéressants pour les jésuites et du point de vue de l’occident motivé par le regard jésuite. Et eux ils trouvent des choses intéressantes pour l’histoire de Wendake, avec peut-être des mots-clés différents.
Aussi, juste le fait d’être toujours impliqués avec des stagiaires (via Jeunesse Canada au travail) est pertinent dans l’appui de la jeunesse.